jeudi 21 février 2008

Les mafieux généraux algériens



La France n’est certainement pas un pays exemplaire en matière de corruption et de passe droits. Présidents de notre pseudo démocratie, ministres, fonctionnaires zélés, chefs d’entreprises millionnaires licenciant à tout va nous montrent tous les jours que la devise de la République est bien loin d’être respectée. Mais à défaut de pénétrer dans nos souterrains nationaux comme le fait si bien le Canard, nous vous proposons cette semaine de vous immiscer dans une ancienne colonie française.

Entre Algérie et France pénètre dans les entrailles du pouvoir algérien et rencontre Hichem Aboud, un ancien officier de l’armée algérienne.

1- Hichem Aboud en 5 dates.

15 juin 1955, c’est le jour où je suis venu au monde. 28 juin 1975 je me suis engagé dans l’armée algérienne en tant qu’élève officier alors que j’étais encore étudiant à l’Institut des Sciences Politiques et de l’Information de l’Université d’Alger. 16 octobre 1992 j’ai réussi à obtenir ma radiation des effectifs de l’armée algérienne. 17 février 1997, c’est l’exil forcé en France. 12 juin 1998 décès de mon père qui m’a profondément marqué et à ce jour, je n’ai pas pu encore me recueillir sur sa tombe. J’ajouterai une sixième, celle du 4 février 2002, date de la parution de « La Mafia des Généraux ».

2- Quelles étaient vos fonctions au sein de la Sécurité Militaire algérienne ?

J’ai eu un passage très court dans les services de renseignements algériens. Deux ans et demi. Je n’ai jamais reçu de formation dans les renseignements puisque j’ai eu à exercer des fonctions qui n’ont rien à voir avec l’opérationnel. Au début, j’étais en charge du dossier du Moyen-Orient, pendant une année et demi. Ensuite j’ai été nommé sous-directeur dans la division Evaluation et Analyse avant de finir au cabinet du patron de la Délégation Générale à la Documentation et à la Sécurité (DGDS) l’ancienne appellation des services de renseignement algériens. Après quatre mois d’exercice au cabinet, en découvrant le fond de la marmite algérienne, je n’en pouvais plus. C’était trop nauséabond. J’ai fini par demander ma radiation de l’armée en octobre 1990. Une radiation que je n’ai réussi à obtenir qu’après deux ans et demi d’attente à la maison.

3- Comment avez-vous été amené à intégrer de tels services ? Afin d’assouvir votre passion pour James Bond ?

C’est en demandant à quitter l’armée alors que j’étais rédacteur en chef du magazine mensuel « El -Djeïch » (organe officiel de l’institution militaire), que j’ai atterri à la Sécurité Militaire. Je n’avais pas à assouvir une passion pour James Bond, puisque je n’ai jamais porté d’arme sur moi ni travailler dans les services opérationnels.

4- Pourquoi avoir choisi de tout balancer ?

Je n’étais pas fait pour l’armée. Je suis un rebelle né. Je ne peux pas m’accommoder de la discipline militaire. Je me suis engagé « par accident » dans l’armée. Dans les années soixante-dix on ne faisait pas de distinguo entre le militaire et le civil en Algérie. En m’engageant dans l’armée je devais exercer mon métier de journaliste dans le magazine El-Djeïch, un mensuel d’informations générales dont j’étais devenu le rédacteur en chef en novembre 1979. Après le revirement politique entamé au milieu des années 80, il n’était plus possible de continuer à faire du journalisme dans l’institution militaire. J’ai alors demandé à partir. Ma demande de radiation a été refusée et je me suis retrouvé à la Sécurité Militaire pour deux années et demi avant d’obtenir ma libération. Je devais faire quelque chose qui me passionne. C’est le journalisme que j’ai commencé à exercice depuis l’âge de 19 ans.

5- Vous êtes responsable de la revue mensuelle "Racines". Pouvez-vous nous en exposer le contenu ?

C’est un magazine d’informations générales, d’analyses et d’opinions. C’est un champ d’expression et d’informations pour tous ceux qui ont une attache avec la rive sud de la méditerranée. On trouve dans ce magazine des pages de nostalgie consacrées aux pieds noirs et aux français d’origine maghrébine. Il y a beaucoup d’informations sur l’Algérie qu’on ne trouve pas dans la presse algérienne qui demeure, quoique l’on dise, victime de la censure et de l’autocensure. D’ailleurs, à RACINES notre devise est de tordre le cou à la censure. Nous publions toutes les opinions quelle que soit la tendance politique ou idéologique. Seule l’incitation à la haine et à la violence est interdite de séjour dans notre magazine.

6- L’Algérie finira t-elle un jour par devenir un pays stable ?

Je l’espère bien.

7- Quelles sont vos drogues de prédilection ?

Le journalisme. Vient ensuite, la musique chaabi (populaire algéroise) et la chanson de la protestation qu’elle soit d’expression arabe, française ou berbère. Et pour cause, je suis un éternel protestataire. L’autre drogue c’est la lecture.

8- Que peut-on vous souhaitez pour votre avenir ? Un retour au pays ?

Il n’y a pas meilleur souhait que de rentrer définitivement chez soi. Le jour où je pourrai m’exprimer librement en Algérie, je ne resterai pas une seule minute en exil. La seule cause de mon départ d’Algérie c’est la censure. Trois journaux que j’avais édités en Algérie ont été fermés par les autorités. J’ai récolté trois condamnations à des peines de prison pour délit de presse. J’ai enduré les arrestations, les interpellations les gardes à vue et des journées entières à sillonner les tribunaux algériens dans différentes villes du pays. Ce n’est que le jour où l’on m’a signifié que je risquais d’avoir une balle dans la nuque et qui sera attribué au GIA que j’ai fini par m’en aller. Aujourd’hui, RACINES est interdit de vente en Algérie pour la simple raison qu’il porte ma signature. Le jour où il sera diffusé en Algérie, plus rien ne justifierait mon exil.

Vincent Bouba, 7 avril 2005

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