vendredi 22 février 2008

Camus et les Pieds-Noirs



Entre la Métropole et les Français, le fossé n’a jamais été plus grand. […]

A lire une certaine presse, il semblerait vraiment que l’Algérie soit peuplée d’un million de colons à cravache et à cigare, montés sur Cadillac. […] 80% des Français d’Algérie ne sont pas des colons, mais des salariés ou des commerçants. Le niveau de vie des salariés, bien que supérieur aux Arabes, est inférieur à celui de la Métropole.

Deux exemples le montreront. Le salaire minimum interprofessionnel garanti est fixé à un taux nettement plus bas que celui des zones les plus défavorisées de la Métropole. De plus, en matières d’avantages sociaux, un père de famille de trois enfants perçoit à peu près 7 200 francs contre 19 000 en France. Voilà les profiteurs de la colonisation. […]

Les Gouvernements successifs de la Métropole, appuyés sur la confortable indifférence de la presse et de l’opinion publique, secondés par la complaisance des législateurs, sont les premiers et les vrais responsables du désastre actuel. Ils sont plus coupables en tout cas que ces centaines de milliers de travailleurs français qui se survivent en Algérie avec des salaires de misère, qui, trois fois en trente ans, ont pris les armes pour venir au secours de la Métropole et qui se voient récompensés aujourd’hui par le mépris des secourus. […]

Reconnaissons donc une bonne fois que la faute est collective. […]

Une grande, une éclatante réparation doit être faite, selon moi, au peuple algérien. Mais par la France tout entière et non avec le sang des Français d’Algérie. Qu’on se le dise hautement, et ceux-ci, je le sais, ne refuseront pas de collaborer, par-dessus leurs préjugés, à la construction d’une Algérie nouvelle.

Albert Camus
« La bonne conscience »
L’Express, 21 octobre 1955

Philippe Bouba, 22 février 2008

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