vendredi 22 février 2008

Assi-Bou-Nif, Régis Guillem



Amertume, déception et mépris sont les mots qui viennent à l'esprit de Régis Guillem envers la France... Blessé à vie, cet Oranais né en 1944 à Assi-Bou-Nif ne se sentira jamais chez lui, en France.

1) Quelle est l'origine de votre arrivée en Algérie ? A quelle époque date l'installation de votre famille en Algérie ?

Arrières Grands parents maternels arrivés vers 1835. Arrières Grands parents paternels arrivée en 1875

2) Quels étaient vos liens avec les Algériens lorsque vous étiez enfant puis adulte ?

J'ai vécu jusqu'à l'âge de 8 ans à Oran dans le quartier de Médioni dont la population était en très grande majorité musulmane. Nous logions, toutes communautés confondues, dans les mêmes lieux et nous fréquentions sans que nous vienne à l'esprit une pensée ségrégative. Pour les fêtes religieuses (Kippour, Aïd, Pâques, etc..) nous échangions les plats rituels à ces fêtes. Dans ma classe (école de Boulanger) les élèves musulmans étaient majoritaires et nous jouions ensemble. Globalement les trois communautés s'entendaient et se fréquentaient ; ce n'est qu'à partir de 1960 que le fossé s'est véritablement creusé lorsque les Musulmans se rendirent compte que l'Algérie allait être bradée. A partir de cette date et par peur des représailles de nombreux Musulmans tournèrent le dos aux Européens ; le phénomène s'accentua lors de la signature des accords d'Evian où il ne faisait plus de doute que l'Algérie serait indépendante. C'est réellement à cette époque que la majorité des Musulmans prit parti pour le FLN, sachant pertinemment que s'ils ne prenaient pas cette option ils allaient directement à la mort. Je ne reviendrai pas sur le cas des Harkis ou celui des membres du MNA qui, dès l'indépendance prononcée et dans de nombreux cas bien avant, furent la cible du FLN qui sur ce point, rappelons-le, ne respecta pas les clauses des accords d'Evian.

3) Quelles ont été vos conditions de travail en Algérie ?

Côté paternel : mon grand père travaillait aux chemins de fer; mon père également. Côté maternel : mon arrière grand père était cantonnier, mon grand père était également cantonnier d'un petit village. Moi-même ai travaillé au sein d'une briqueterie comme "commis aux écritures"

4) L'image que vous garderez toujours en mémoire au sujet de l'Algérie ?

La simplicité d'une vie heureuse, modeste

5) Faîtes moi part de vos souvenirs ?

Les jeux d'adolescence: carico, pitchak, pignols, cartettes et les premières amours; la plage, les dunes de sable, les forêts d'eucalypthus. Les réunions de famille pour Pâques, Noël et les rock and roll et les premières surprise-parties. En un mot une vive modeste, simple, insouciante dans un pays de rêves.

6) L'indépendance était-elle inévitable ?

Je pense qu'à terme et compte-tenu de la poussée très importante de l'Islam, l'Algérie aurait eu son indépendance. Par contre et du fait que LA MAJORITE des Algériens ne voulaient pas de l'indépendance, les Européens auraient pu rester en étroite collaboration avec les Musulmans.

7) Que pensez-vous des colons français ?

Les colons français ont accompli, en Algérie, une œuvre gigantesque. Ce sont eux avec leur courage, leur ténacité, bravant les maladies et les attaques qui ont fait de zones marécageuses des terres fertiles. Ils ont laissé, en 1962, un pays riche de toutes cultures tant vinicoles que maraîchères et fruitières. Que reste-il aujourd'hui de toutes ces richesses qui ont été données sur un plateau. La politique Algérienne de l'après indépendance calquée sur les régimes communistes a détruit dans sa presque totalité l'œuvre d'un siècle de labeur.

8) Quels sont vos sentiments à propos de l'OAS ?

La constitution de l'OAS était inéductable. C'était l'ultime recours à la résistance contre l'indépendance telle qu'elle avait été prévue par de Gaulle et au maintien de l'Algérie à la France. L'OAS était composée d'hommes et de femmes de toutes confessions, de toutes origines, de tous milieux sociaux ; ces membres n'hésitèrent pas à tout sacrifier pour tenter de garder l'Algérie Française. Cependant il faut savoir qu'ils ne représentaient qu'un faible pourcentage de la population européenne. Hormis quelques exceptions, notamment à Oran et dans quelque quartier d'Alger, la population européenne restait extrêmement frileuse et n'adhérait que par crainte. C'est une frange de cette population frileuse qui, à son arrivée sur le sol métropolitain, a terni et souillé notre mémoire. Ils avaient tous combattu dans les rangs de l'OAS ; ils avaient tous des propriétés ; ils avaient tous des servants et servantes. En réalité c'étaient ce que nous appelions en Algérie des " Raiouillos ", c'est à dire des va nus pieds. Cette frange de population a, non seulement, souillé notre honneur mais de surcroît a profité malhonnêtement de l'aide apportée aux rapatriés.

9) Que pensez-vous de De Gaulle ?

De Gaulle représente le parjure, la fourberie. de Gaulle avait eu la possibilité de maintenir comme il l'avait promis l'Algérie Française; de Gaulle a trahi TOUT le monde y compris certains chefs du F.L.N. qui avaient opté pour la "paix des braves". De Gaulle a tout simplement abdiqué face aux Américains et aux Russes.

10) Cinq mots pour définir votre Algérie ?

famille - amis - nature - simplicité - joie de vivre

11) Qu'est-ce qu'une personne déracinée selon vous ?

Quelqu'un a qui l'on a confisqué son âme.

12) Que pensez-vous du FLN ?

Globalement des assassins et des bouchers. Aucune bête au monde ne serait capable de commettre les atrocités indescriptibles que ses soi-disant combattants de la liberté ont commis. J'admets tout de même qu'il y eut des hommes dignes de courage qui se battirent avec honneur.

13) Que pensez-vous des français de métropole lors de la guerre d'Algérie ?

Dans leur grande majorité des " veaux " (tels que les a décrit leur chef) à la mémoire courte qui ont oublié que les combattants d'Afrique ont participé à toutes les guerres et ont perdu des centaines de milliers des leurs pour l'honneur de la France. Aujourd'hui encore, plus de 40 ans après notre exode, de nombreux métropolitains - pour ne pas dire la majorité - continuent à nous traiter en étrangers et persistent à penser que nous étions tous des colons millionnaires et exploiteurs des fellahs.

14) Faîtes moi part de vos conditions d'arrivée en métropole ?

Indescriptibles

15) Lors de cette arrivée par quoi avez-vous été vous le plus surpris ?

Par la haine dégagée à notre égard

16) Quelles ont été vos déceptions ? Quelles étaient vos aspirations lors de l'arrivée en métropole ?

Avoir été refoulé, piétiné par quelqu'un envers qui nous avons donné notre vie. Aucune aspiration mais un esprit de revanche.

17) Avez vous un message à faire passer aux Algériens ?

QUE VOUS A APPORTE L'INDEPENDANCE? Comparez la vie que vous menez aujourd'hui par rapport à celle que vos parents vivaient avec la France. Comparez votre économie par rapport à celle de l'Algérie Française. Comparez votre évolution technologique au regard de celle que la France vous accordait. Comparez ce qu'est le pays dans lequel vous vivez par rapport à celui de l'Algérie Française. Enfin, les Français ont-ils agi avec vous de la façon dont les intégristes (vos frères) le font aujourd'hui et depuis 40 ANS?

18) La France (la métropole) est-elle après toutes ces années votre pays ? Expliquez pourquoi ?

NON, elle ne le sera jamais; j'ai beaucoup plus fait pour elle, qu'elle-même n'en a fait pour moi.

19) Qu'est-ce que l'intégration selon vous ? Les Pieds Noirs ont-ils été intégrés ? S'il y a eu intégration ou s'il n'y a pas eu intégration, quelles en sont les raisons selon vous ?

Il n'y a pas à parler d'intégration entre des gens de même confession, de même nationalité. L'intégration s'entend par des immigrés étrangers sur une autre terre que la leur.

20) Par quoi avez-vous envie de terminer votre témoignage ?

Amertume, déception, mépris envers ce pays que nous pensions être notre Patrie et que nos aïeux ont défendu, dédain envers ce peuple à qui nous-même avons tout donné.

Vincent Bouba, 19 juin 2004

1 commentaire:

Anonyme a dit…

un témoignage dur mais juste, reflet de ce qu'ont vécu beaucoup de Français d'Algérie