mardi 4 mars 2008

Carte d'Identité : Français / Algérien



E-terview avec Jacky Mallea, pied-noir de Guelma, militant anti-colonialiste.

1/ Quelle est l'origine de votre arrivée en Algérie ? A quelle époque date l'installation de votre famille en Algérie ?

Ma famille est arrivée de Malte dans les années 1840.

2/ Quels étaient vos liens avec les Algériens lorsque vous étiez enfant puis adulte ?


J'ai toujours eu de bons rapports avec eux. Mon père travaillait avec des Algériens.

3/ Quelles ont été les conditions de travail de votre famille en Algérie ?

Mon père était artisan boucher. Ma mère faisait du repassage chez d'autres pieds noirs plus riches.

4/ 5 mots commençant par la première lettre de votre prénom ?

Justice - Jeux - Joute - Joue - Jardin

5) Faîtes moi part d'un de vos souvenirs d'Algérie ?

Nos sorties pique nique dans la nature au bord des rivières, en famille.

6/ L'indépendance était-elle inévitable ?

Absolument !

7/ Que pensez-vous des gros propriétaires terriens "colons" français ?

Tout en participant à l'économie du pays, ils ont quand même exploité une main d'oeuvre pas chère.

8/ Quels sont vos sentiments à propos de l'OAS ?

Ces personnes, considérées par beaucoup comme des héros, ont été la cause de la cassure définitive avec les Algériens. Etant à la solde de certains GROS, ils ont contribué à l'éxode des pieds noirs.

9/ Que pensez-vous de De Gaulle ?

Je me suis toujours posé la question suivante : Quand il a prononcé la célèbre phrase "Je vous ai compris" A qui s'est-il adressé ??? Je pense que dés 1958, il savait que l'Indépendance serait inévitable.

10/ Cinq mots pour définir votre Algérie ?

Senteurs - Chaleur - Beauté - Mélange - Parfums

11/ Qu'est-ce qu'une personne déracinée selon vous ?

C'est quelqu'un qui a été arraché à une terre à qui il tenait beaucoup.

12/ Que pensez-vous du FLN ?

Des combattants.

13/ Que pensez-vous des français de métropole lors de la guerre d'Algérie ?

Intoxiqués par les médias, ils pensaient que leurs enfants défendaient les intérêts de TOUS les pieds noirs.

14/ Faîtes moi part de vos conditions d'arrivée en métropole ?

J'avais un billet d'avion pour Toulouse, l'avion a atterri à Marseille. Là aussi c'était un plan du gouvernement Français. Pendant les premiers mois, j'ai subit le racisme. Mais les Français n'étaient pas fautifs, ils étaient conditionnés.

15/ Lors de cette arrivée par quoi avez-vous été vous le plus surpris ?

Par l'idée que se faisait de nous le Français.

16/ Quelles ont été vos déceptions ? Quelles étaient vos aspirations lors de l'arrivée en métropole ?

D'être considéré comme un étranger. Je désirais trouver du travail et fonder une famille, la mienne ayant été éclatée.

17 / Avez vous un message à faire passer aux Algériens ?

Comme moi, ils ont souffert de notre séparation. Je veux qu'ils sachent qu'en France, il y a BEAUCOUP de pieds noirs qui pensent à eux. Beaucoup d'humanistes qui suivent avec attention l'évolution de l'Algérie. Ceux qui pensent autrement, n'aiment pas l'Algérie. Ils s'aimaient EUX en Algérie.

18/ La France (la métropole) est-elle après toutes ces années votre pays ? Expliquez pourquoi ?

Par force la France est devenue ma patrie. Mais mes ancêtres n'ont jamais été les Gaulois. J'aurai aimé pouvoir porter sur ma carte d'Identité : Français / Algérien.


19/ Qu'est-ce que l'intégration selon vous ? Les Pieds Noirs ont-ils été intégrés ? S'il y a eu intégration ou s'il n'y a pas eu intégration, quelles en sont les raisons selon vous ?

Il aurait fallu que les P.N. comprennent très vite que l'Algérie c'était du passé et qu'il fallait penser à l'avenir. Je suis scandalisé quand j'entends en 2008 certains dire : On ne nous a jamais acceptés. Moi je n'ai jamais eu de problème. J'ai fait mille choses en France. J'ai eu à commander des personnels, j'ai présidé des associations, aujourd'hui je mets en scène des comédiens.

Contrairement à certains de mes compatriotes, j'ai de suite pris comme attitude "Mes poings dans mes poches" En tant que P.N. je ne me sentais pas plus fort que les autres. J'ai essayé de comprendre le comportement de ceux qui sont devenus par la force des choses, mes nouveaux compatriotes. Accepté par eux, je le suis moins de mes anciens compatriotes, seulement parce que je ne pense pas comme eux.

45 ans après, je ne comprends pas qu'ils en soient toujours au même point. Ils n'ont pas évolué d'un iota.

20/ Par quoi avez-vous envie de terminer votre E-terview ?

Depuis mon arrivée en France en 1962, au fil des années et de mes voyages en Algérie, j'ai pu mesurer la chance que j'ai de pouvoir retrouver mes amis, leurs enfants, les coins de mon enfance. Je peux ainsi me rendre compte des changements, même si tout n'est pas parfait.

Les premiers temps quand je me retrouvais dans ma ville natale, je disais "Je suis né ici". Aujourd'hui, grâce à l'accueil qui m'est réservé, je dit "Je suis d'ici". Par contre j'ai une pensée pour tous ces P.N. qui se sont forcés depuis 1962 à entretenir leurs rancoeurs et qui se sont INTERDIT d'y retourner. Dommage, car l'Algérie qu'ils regrettent était avec les Algériens.

Vincent Bouba, 4 mars 2008

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