E-terview avec Alexandre Faulx-Briole, sept générations de Pieds-Noirs...
http://afaulxbriole.free.fr
1/ Quelle est l'origine de votre arrivée en Algérie ? A quelle époque date l'installation de votre famille en Algérie ?
Ma famille est arrivée en Algérie dans les années 1830 ; le premier “algérien” fut cantinier dans les armées de Bugeaud, puis s’est installé à Médéa dès la conquête et a ouvert deux hôtels dont un acheté à des Arabes et le second bâti sur un terrain donné en concession par le gouverneur militaire. Le premier Briole est le gendre de celui-ci ; natif de Graveson (Bouches du Rhône) et engagé volontaire dans l’infanterie de ligne, il a combattu à Solférino et s’est ensuite reconverti dans la Santé militaire. Le premier Faux est mon grand-père paternel ; natif du Bouscat (Gironde), il a fait son service militaire dans les Zouaves à Fort National, a rencontré ma grand-mère petite fille du précédent, et s’est installé à Bab el Oued.
2/ Quels étaient vos liens avec les Algériens lorsque vous étiez enfant puis adulte ?
Enfant, je n’avais guère de liens avec les Algériens de mon âge ; les seuls que je connaissais étaient les femmes de ménage qui servaient à la maison et les employés de bureau de mon père qui me faisaient traverser Alger pour aller de chez nous à El Biar à chez mes grands parents à Bab el Oued. Je n’ai réellement rencontré des Algériens qu’au lycée Victor Hugo en 1963, où je les considérais comme des élèves comme les autres. Ensuite à la Fac’ de Droit à Alger j’étais parmi les quelques Européens, et c’étaient les Algériens et les Algériennes qui me considéraient comme un étudiant comme les autres.
Enfin, lorsque j’ai travaillé d’abord à la Chambre Française de Commerce et d’Industrie en Algérie, puis pour une société américaine, ce furent des collègues, puis des clients ou des fournisseurs également comme les autres. Actuellement, je vais régulièrement en Algérie pour des missions de conseil, et je n’ai que des interlocuteurs algériens. Je n’ai jamais caché mes origines, et la présence ancienne de ma famille en Algérie, et je n’ai jamais entendu une seule réflexion désagréable (sauf une fois de la part d’un homme ivre dans la rue !)
3/ Quelles ont été les conditions de travail de votre famille en Algérie ?
Je ne peux parler que de mon grand père et de mon père. Mon grand père était comptable dans une fabrique de meubles installée en haut de Bab el Oued, du côté de Bastos ; je crois ne l’avoir connu qu’à la retraite, car il avait été gazé en 1916 ou 17 et en avait gardé des séquelles assez profondes. Mon père a dirigé de 1955 à sa retraite différentes organisations patronales, de l’Union Algérienne du Bâtiment et des Travaux Publics (UNALBA) à la CFCIA (cf. ci-dessus). A ma connaissance, le seul propriétaire foncier de la famille fut l’aïeul de Médéa.
4/ Cinq mots commençant par la première lettre de votre prénom ?
Algérie, Amour du pays, Alexandre (mon arrière-grand-père), Anne-Marie (ma femme rencontrée au lycée à Alger), Aurélie (ma fille qui a fait ses premiers pas et sa première dent à Alger)
5) Faîtes moi part d'un de vos souvenirs d'Algérie ?
Le plus drôle, quand on y pense quelques années après (combien d’années, cela importe peu) : comment nous avons vécu les nombreuses pénuries de produits alimentaires de base pendant les années 1976 à 1982, en mêlant débrouillardise et connaissance du “terrain” et joie ineffable chaque fois que nous trouvions quelque chose d’un peu en dehors de l’ordinaire : des carottes après trois mois sans, des ampoules électriques du bon modèle, des pâtes alimentaires mangeables, ...
Bien sûr, plein d’autres souvenirs de tous ordres : l’enterrement de mon grand-père en 1968 au cimetière de Saint Eugène, notre mariage au Consulat de France à Alger, mes séjours à Ouargla pendant que ma fille grandissait à Alger, ...
6/ L'indépendance était-elle inévitable ?
Oui, mais on aurait certainement pu éviter un tel gâchis. Mais comment et pourquoi réécrire l’Histoire ? Je préfère parler de l’amitié que me portent beaucoup d’Algériens avec qui je travaille, de vieux copains de lycée, ... Quand le chauffeur de taxi qui vous charge rue Michelet et à qui vous dîtes “ Saint Eugêne s’il vous plaît” vous répond sourire de bienvenue aux lèvres “Vous allez voir la famille ? Marhaba”, quand les employés du cimetière m’accueillent comme un vieil ami parce que j’ai renouvelé la concession cinquantenaire et que je viens une fois par an au moins, je vous assure que ça paye le billet d’avion.
Je ne peux parler que de mon grand père et de mon père. Mon grand père était comptable dans une fabrique de meubles installée en haut de Bab el Oued, du côté de Bastos ; je crois ne l’avoir connu qu’à la retraite, car il avait été gazé en 1916 ou 17 et en avait gardé des séquelles assez profondes. Mon père a dirigé de 1955 à sa retraite différentes organisations patronales, de l’Union Algérienne du Bâtiment et des Travaux Publics (UNALBA) à la CFCIA (cf. ci-dessus). A ma connaissance, le seul propriétaire foncier de la famille fut l’aïeul de Médéa.
4/ Cinq mots commençant par la première lettre de votre prénom ?
Algérie, Amour du pays, Alexandre (mon arrière-grand-père), Anne-Marie (ma femme rencontrée au lycée à Alger), Aurélie (ma fille qui a fait ses premiers pas et sa première dent à Alger)
5) Faîtes moi part d'un de vos souvenirs d'Algérie ?
Le plus drôle, quand on y pense quelques années après (combien d’années, cela importe peu) : comment nous avons vécu les nombreuses pénuries de produits alimentaires de base pendant les années 1976 à 1982, en mêlant débrouillardise et connaissance du “terrain” et joie ineffable chaque fois que nous trouvions quelque chose d’un peu en dehors de l’ordinaire : des carottes après trois mois sans, des ampoules électriques du bon modèle, des pâtes alimentaires mangeables, ...
Bien sûr, plein d’autres souvenirs de tous ordres : l’enterrement de mon grand-père en 1968 au cimetière de Saint Eugène, notre mariage au Consulat de France à Alger, mes séjours à Ouargla pendant que ma fille grandissait à Alger, ...
6/ L'indépendance était-elle inévitable ?
Oui, mais on aurait certainement pu éviter un tel gâchis. Mais comment et pourquoi réécrire l’Histoire ? Je préfère parler de l’amitié que me portent beaucoup d’Algériens avec qui je travaille, de vieux copains de lycée, ... Quand le chauffeur de taxi qui vous charge rue Michelet et à qui vous dîtes “ Saint Eugêne s’il vous plaît” vous répond sourire de bienvenue aux lèvres “Vous allez voir la famille ? Marhaba”, quand les employés du cimetière m’accueillent comme un vieil ami parce que j’ai renouvelé la concession cinquantenaire et que je viens une fois par an au moins, je vous assure que ça paye le billet d’avion.
7/ Que pensez-vous des gros propriétaires terriens "colons" français ?
Rien, je n’en ai jamais connu ; pour moi ce sont des personnages historiques, c’est comme si vous me demandiez ce que je pense de Jules Ferry ou de Gaston Doumergue.
8/ Quels sont vos sentiments à propos de l'OAS ?
Des terroristes.
9/ Que pensez-vous de De Gaulle ?
Le plus grand des présidents de la République française ; son seul défaut est d’être un homme du Nord, plus tourné vers l’Europe que vers l’Afrique. Il est triste que les élèves français d’aujourd’hui ignorent jusqu’à son nom.
10/ Cinq mots pour définir votre Algérie ?
“Ça ne me suffit pas” ; ou bien ce qu’un lecteur algérien de mon site internet m’a écrit un jour, que j’ai mis si longtemps à vraiment comprendre “yâ enta ouled el bled”.
11/ Qu'est qu'une personne déracinée selon vous ?
Le pire des déracinements ? Celui des enfants d’immigrés algériens en France, qui ont grandi ou sont nés en France, ne peuvent cacher qu’ils ne sont pas d’origine européenne (teint, nom, ...) qui on fait aimablement remarquer qu’ils ne sont pas chez eux en France, et qui s’aperçoivent qu’ils ne sont pas chez eux non plus en Algérie quand ils y vont en vacances ; j’ai rencontré deux de ces gamines dans le bus à Paris en 1986, je l’ai raconté sur mon site internet, et 14 ans après je pleurais en écrivant cette histoire. Je ne me sens pas tous les jours chez moi en France, surtout quand j’arrive d’Alger, mais personne ne me le fait remarquer.
12/ Que pensez-vous du FLN ?
Un parti politique unique et totalitaire qui a fait le malheur quotidien des Algériens pendant trop longtemps à cause d’une politique économique catastrophique ; il a été largement aidé par des gauchistes français de tous bords, dont certains en sont encore très fiers. Le FLN d’avant 1962, je n’en connais que ce que j’ai lu dans des livres d’Histoire.
13/ Que pensez-vous des français de métropole lors de la guerre d'Algérie ?
Certains ont découvert l’existence du pays lorsque leurs fils ont été appelés ou rappelés pour s’y battre ; je suppose que les Français d’Indochine en diraient autant.
14/ Faîtes moi part de vos conditions d'arrivée en métropole ?
Je suis arrivé 4 fois en métropole, et sauf la première fois parce que je n’avais que 11 ans j’ai toujours fait une dépression nerveuse.
15/ Lors de cette arrivée par quoi avez-vous été vous le plus surpris ?
Question sans intérêt
16/ Quelles ont été vos déceptions ? Quelles étaient vos aspirations lors de l'arrivée en métropole ?
Idem
17 / Avez vous un message à faire passer aux Algériens ?
Je le leur ai dit sur mon site Internet depuis février 2000 ; à ma grande surprise, mes premiers lecteurs ont été des Algériens, du bled ou émigrés ; ma fille et moi avons surpris des gens dans la rue qui citaient ce que je raconte sur ce site. Je suis célèbre en Algérie (je ne suis pas le seul !), et on m’enseigne dans les Facultés françaises et américaines !
18/ La France (la métropole) est-elle après toutes ces années votre pays ? Expliquez pourquoi ?
La France est le pays de ma mère, de ma femme et de ma carte d’identité ; le pays de mon père, de mon coeur et le mien c’est l’Algérie ; ma fille a deux pays, comme Joséphine Baker.
19/ Qu'est ce que l'intégration selon vous ? Les Pieds Noirs ont-ils été intégrés ? S'il y a eu intégration ou s'il n'y a pas eu intégration, quelles en sont les raisons selon vous ?
On est intégré quand les gens ne se retournent plus sur vous ; Mme Rachida Dati ou le candidat à la mairie de Rennes seront intégrés quand on oubliera de citer leur origine ; après tout, ma famille maternelle est arrivée d’Ukraine et de Pologne il y a 150 ans et nous sommes les seuls à le savoir. Je me sens intégré en Algérie lorsque mes interlocuteurs me disent que je suis “algérien comme [eux]” lorsqu’ils découvrent mes origines (dont je suis fier et que je ne cache pas).
20/ Par quoi avez-vous envie de terminer votre E-terview ?
Pourquoi, c’est déjà terminé ? Je suis plutôt timide et discret, je suis capable de rester une journée sans parler quiconque ; mais ne me parlez pas du bled, je vous couperai la parole et je ne vous la rendrai plus.
Rien, je n’en ai jamais connu ; pour moi ce sont des personnages historiques, c’est comme si vous me demandiez ce que je pense de Jules Ferry ou de Gaston Doumergue.
8/ Quels sont vos sentiments à propos de l'OAS ?
Des terroristes.
9/ Que pensez-vous de De Gaulle ?
Le plus grand des présidents de la République française ; son seul défaut est d’être un homme du Nord, plus tourné vers l’Europe que vers l’Afrique. Il est triste que les élèves français d’aujourd’hui ignorent jusqu’à son nom.
10/ Cinq mots pour définir votre Algérie ?
“Ça ne me suffit pas” ; ou bien ce qu’un lecteur algérien de mon site internet m’a écrit un jour, que j’ai mis si longtemps à vraiment comprendre “yâ enta ouled el bled”.
11/ Qu'est qu'une personne déracinée selon vous ?
Le pire des déracinements ? Celui des enfants d’immigrés algériens en France, qui ont grandi ou sont nés en France, ne peuvent cacher qu’ils ne sont pas d’origine européenne (teint, nom, ...) qui on fait aimablement remarquer qu’ils ne sont pas chez eux en France, et qui s’aperçoivent qu’ils ne sont pas chez eux non plus en Algérie quand ils y vont en vacances ; j’ai rencontré deux de ces gamines dans le bus à Paris en 1986, je l’ai raconté sur mon site internet, et 14 ans après je pleurais en écrivant cette histoire. Je ne me sens pas tous les jours chez moi en France, surtout quand j’arrive d’Alger, mais personne ne me le fait remarquer.
12/ Que pensez-vous du FLN ?
Un parti politique unique et totalitaire qui a fait le malheur quotidien des Algériens pendant trop longtemps à cause d’une politique économique catastrophique ; il a été largement aidé par des gauchistes français de tous bords, dont certains en sont encore très fiers. Le FLN d’avant 1962, je n’en connais que ce que j’ai lu dans des livres d’Histoire.
13/ Que pensez-vous des français de métropole lors de la guerre d'Algérie ?
Certains ont découvert l’existence du pays lorsque leurs fils ont été appelés ou rappelés pour s’y battre ; je suppose que les Français d’Indochine en diraient autant.
14/ Faîtes moi part de vos conditions d'arrivée en métropole ?
Je suis arrivé 4 fois en métropole, et sauf la première fois parce que je n’avais que 11 ans j’ai toujours fait une dépression nerveuse.
15/ Lors de cette arrivée par quoi avez-vous été vous le plus surpris ?
Question sans intérêt
16/ Quelles ont été vos déceptions ? Quelles étaient vos aspirations lors de l'arrivée en métropole ?
Idem
17 / Avez vous un message à faire passer aux Algériens ?
Je le leur ai dit sur mon site Internet depuis février 2000 ; à ma grande surprise, mes premiers lecteurs ont été des Algériens, du bled ou émigrés ; ma fille et moi avons surpris des gens dans la rue qui citaient ce que je raconte sur ce site. Je suis célèbre en Algérie (je ne suis pas le seul !), et on m’enseigne dans les Facultés françaises et américaines !
18/ La France (la métropole) est-elle après toutes ces années votre pays ? Expliquez pourquoi ?
La France est le pays de ma mère, de ma femme et de ma carte d’identité ; le pays de mon père, de mon coeur et le mien c’est l’Algérie ; ma fille a deux pays, comme Joséphine Baker.
19/ Qu'est ce que l'intégration selon vous ? Les Pieds Noirs ont-ils été intégrés ? S'il y a eu intégration ou s'il n'y a pas eu intégration, quelles en sont les raisons selon vous ?
On est intégré quand les gens ne se retournent plus sur vous ; Mme Rachida Dati ou le candidat à la mairie de Rennes seront intégrés quand on oubliera de citer leur origine ; après tout, ma famille maternelle est arrivée d’Ukraine et de Pologne il y a 150 ans et nous sommes les seuls à le savoir. Je me sens intégré en Algérie lorsque mes interlocuteurs me disent que je suis “algérien comme [eux]” lorsqu’ils découvrent mes origines (dont je suis fier et que je ne cache pas).
20/ Par quoi avez-vous envie de terminer votre E-terview ?
Pourquoi, c’est déjà terminé ? Je suis plutôt timide et discret, je suis capable de rester une journée sans parler quiconque ; mais ne me parlez pas du bled, je vous couperai la parole et je ne vous la rendrai plus.
Vincent Bouba, 11 mars 2008
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