lundi 31 mars 2008
Message de Farid Rekab
Au nom de toutes les mères kabyles et de tous les miens : Grand Merci !
Merci à tous ceux et celles qui ont contribué à ma libération.
Ma pensée va vers tous les exilés qui comme moi ont fui l’oppression, la répression, ou tout simplement la misère. Notre seul crime est celui d’aller chercher un salut quelque part, là où les hommes reconnaissent le droit à la dignité et à la liberté.
Remerciements Particuliers à :
- Monsieur Michel THENAULT Préfet de Rouen, Monsieur Thierry FOUCAULT sénateur Maire de Oissel Rouen 76000.
- La CIMADE de Rouen (Comité inter-mouvements auprès des évacués) : http://www.cimade.org/
- L’AHSETI (Association havraise de solidarité et d’échange avec tous les immigrés) : ahseti@gmail.com, Mr Francis LECOMTE
- Mme Sophie LECOMTE.
- Le site "Chanson Rebelle" de Gérard Gorsse : gerard-gorsse@chansonrebelle.com
- À Stéphane ARAMIS de Kabyles.com qui, aussitôt alerté, a publié le communiqué de ma détention.
- Maître Nicolas ROULY, Maître Mustapha SAÂDI, Maître Ahcène CHAKAL qui nous m'ont assuré de leur soutien.
Toutes mes excuses à ceux et celles que je n’ai pas ici nommés par oubli.
LES ASSOCIATIONS SUIVANTES :
- CHOEURS DE FONDEURS.
- MOUVENCE Et PARTENARIAT. Merci Bernadette Quentin
- LA FONDATION LOUNES MATOUB et sa présidente Malika Matoub
LES JOURNAUX :
- L’HUMANITÉ.
- LE JOURNAL "LE HAVRE LIBRE »
- JOURNAL EL WATAN.
- SOIR D’ALGÉRIE.
- B.R.T.V et BEUR FM.
LES MAGAZINES WEB
- ENTRE L’ALGÉRIE ET LA FRANCE
- LEMAGUE.NET, merci Paco pour ton poème.
- LA SOCIALE.
- LE SITE BELLACIAO.ORG.
Du fond du cœur, merci à tous ceux et toutes celles qui se sont mobilisés pour moi en signant la pétition, notamment le soutien venu de mon village, je leur dis : qu’aucun remerciement ne sera à la hauteur de leur témoignage.
Farid Rekab, Le 24 mars, 22h
Merci à tous ceux et celles qui ont contribué à ma libération.
Ma pensée va vers tous les exilés qui comme moi ont fui l’oppression, la répression, ou tout simplement la misère. Notre seul crime est celui d’aller chercher un salut quelque part, là où les hommes reconnaissent le droit à la dignité et à la liberté.
Remerciements Particuliers à :
- Monsieur Michel THENAULT Préfet de Rouen, Monsieur Thierry FOUCAULT sénateur Maire de Oissel Rouen 76000.
- La CIMADE de Rouen (Comité inter-mouvements auprès des évacués) : http://www.cimade.org/
- L’AHSETI (Association havraise de solidarité et d’échange avec tous les immigrés) : ahseti@gmail.com, Mr Francis LECOMTE
- Mme Sophie LECOMTE.
- Le site "Chanson Rebelle" de Gérard Gorsse : gerard-gorsse@chansonrebelle.com
- À Stéphane ARAMIS de Kabyles.com qui, aussitôt alerté, a publié le communiqué de ma détention.
- Maître Nicolas ROULY, Maître Mustapha SAÂDI, Maître Ahcène CHAKAL qui nous m'ont assuré de leur soutien.
Toutes mes excuses à ceux et celles que je n’ai pas ici nommés par oubli.
LES ASSOCIATIONS SUIVANTES :
- CHOEURS DE FONDEURS.
- MOUVENCE Et PARTENARIAT. Merci Bernadette Quentin
- LA FONDATION LOUNES MATOUB et sa présidente Malika Matoub
LES JOURNAUX :
- L’HUMANITÉ.
- LE JOURNAL "LE HAVRE LIBRE »
- JOURNAL EL WATAN.
- SOIR D’ALGÉRIE.
- B.R.T.V et BEUR FM.
LES MAGAZINES WEB
- ENTRE L’ALGÉRIE ET LA FRANCE
- LEMAGUE.NET, merci Paco pour ton poème.
- LA SOCIALE.
- LE SITE BELLACIAO.ORG.
Du fond du cœur, merci à tous ceux et toutes celles qui se sont mobilisés pour moi en signant la pétition, notamment le soutien venu de mon village, je leur dis : qu’aucun remerciement ne sera à la hauteur de leur témoignage.
Farid Rekab, Le 24 mars, 22h
mardi 25 mars 2008
E-terview avec Ignace Martinez
1/ Quelle est l' origine de votre arrivée en Algérie ? A quelle époque date l' installation de votre famille en Algérie ?
L' ORIGINE de l' arrivée de mes parents remonte bien avant l' arrivée des français en 1830. Elle remonte à l' occupation d' ORAN par les ESPAGNOLS. Mes grands parents possédaient une FERME assez modeste (environ 8 hectares) du coté de BOU-SFER/EL ANCOR. Ils étaient agriculteurs.
2/ Quels étaient vos liens avec les Algériens lorsque vous étiez enfant puis adulte ?
Les meilleurs du monde. En fait, j' habitais un petit village, près de MERS el KEBIR (à cité-longchamp), où il y avait une majorité d' ALGERIENS. Mes meilleurs amis étaient pour la plupart des ALGERIENS... 46 ans après je garde toujours, au fond de moi les prénoms (TAYEB,DAKKA,DJILALI...) Preuve qu'ils étaient bien dans mon coeur
3/ Quelles ont été les conditions de travail de votre famille en Algérie ?
Très modestes... Mon père était chauffeur mécanicien aux Travaux Maritimes de la base de MERS EL KEBIR. Ma père qui avait 8 enfants, avait du mal, à joindre les deux bouts.HEUREUSEMENT mon père faisait la pêche et la chasse. Un complément non négligeable de nourriture...
4/ Cinq mots commençant par la première lettre de votre prénom ?
5) Faîtes moi part d' un de vos souvenirs d'Algérie ?
NON ça serait trop long. Et celà me donnerait trop le cafard. Surtout quand je pense à mes amis ALGERIENS qui m' attendent encore la bas ,je n' exagère pas... j' ai quitté l' ALGERIE, j'avais 19 ans. Ma mère qui avait 49 ans, n'a pas supporté le fait de quitter son pays. Elle est décédée quelques mois après de chagrin en septembre 1963 en FRANCE. Laissant mon père seul avec 4 enfants encore à charges.
6/ L'indépendance était-elle inévitable ?
NON, je n' ai vraiment jamais pensé qu' un jour je devrais quitter mon pays. C'était bon pour la TUNISIE ou le MAROC qui étaient des PROTECTORATS mais pas l'ALGERIE qui était divisée en DEPARTEMENTS.
7/ Que pensez-vous des gros propriétaires terriens "colons" français ?
Je n' ai jamais COTOYé de gros COLONS... dans le village où j' habitais et tout autour sur plusieurs kilomètres, le mot COLON n' existait pas, car il y en avait pas. Nous étions tous issus de milieu ouvriers. Que ça soit dans le village de MERS EL KEBIR, ROSEVILLE, CITé LONGCHAMP ou SAINTE CLOTILDE..Il n'y avait pas un seul COLON... Certes il y avait 2 ou 3 fermes très modestes mais, rien à voir avec des GROS COLONS...
8/ Quels sont vos sentiments à propos de l'OAS ?
JE NE CONNAIS PAS BEAUCOUP DE GENS DANS LE MONDE, QUI ACCEPTERAIENT DE SE FAIRE MASSACRER, ET DE QUITTER LEUR PAYS COMME NOUS L'AVONS FAIT, SANS REAGIR. NOTRE SEUL TORD C'EST DE L'AVOIR COMPRIS TROP TARD HELAS... PRENONS exemple sur les ISRAELIENS. Ils SAVENT RIPOSTER POUR SE DEFENDRE SANS QUE PERSONNE AU MONDE NE RéAGISSE.... Et ils sont toujours en ISRAEL.
9/ Que pensez-vous de De Gaulle ?
Il s'est bien moqué de nous. Il a su se servir des PIEDS NOIRS comme chair à canon en 1914/18 et 1935/45. Je n'ai pas connu mon grand père maternelle... Parce que mort en 1918 (GAZ de COMBAT)... Son corps repose dans un cimetière abandonné d'EL ANCOR.
10/ Cinq mots pour définir votre Algérie ?
Mon ALGERIE, à moi elle n' existe plus hélas que dans mes pensés et dans mes rêves... Et celà me fait souffrir depuis 1962. Mais je dois dire que c'est surtout les médias qui par leurs INTERVENTIONS TOUJOURS ANTI PIEDS NOIRS, me font aujourd'hui le plus souffrir.
11/ Qu'est qu'une personne déracinée selon vous ?
C'est une personne qui a laissé ses MORTS là-bas de l' autre coté de la MEDITERRANEE et qui sent, que malgré tout elle n' a jamais été la bienvenue ici en FRANCE.
12/ Que pensez-vous du FLN ?
Ils ont défendu leurs causes avec des méthodes BARBARES TOUT le MONDE le SAIT... Mais ce qui est encore plus grave c' est qu'ils aient été défendus par une certaine classe politique FRANCAISE en PARTICULIER les COMMUNISTES. Il est clair que sans leur soutien... Le FLN, n' aurait sûrement pas fait LONG FEU... J'en veux certainement beaucoup plus aux COMMUNISTES FRANCAIS qu 'aux gens du FLN. Le FLN, a été aussi soutenu par certains pays COMMUNISYES TELS que la RUSSIE et CHINOIS. Et quand on voit comment ils traitent aujourd'hui les TCHETCHENES et les TIBETAINS, on a le droit de se poser des questions sur la sincérité de ces pays.
13/ Que pensez-vous des français de métropole lors de la guerre d'Algérie ?
Je n' en pense rien, car la FRANCE depuis NAPOLEON n' a jamais gagné une bataille...Elle a perdu 14/18 et 39/45 puisque tout le monde le sait, ce sont les AMERICAINS qui ont gagné la GUERRE. Ils ne pouvaient pas gagner en ALGERIE. C'était dans la logique des choses..Les FRANCAIS SONT TROP DIVISéS POUR GAGNER UNE BATAILLE. On le voit bien tous les jours... surtout encore en ce moment. Et puis la plus grosse erreur commise, a été l'envoi de MILITAIRES du CONTINGENT...ERREUR MONUMENTALE qu'on aurait dû, nous PIEDS NOIRS NE JAMAIS ACCEPTER, MIEUX VALAIT ÊTRE SEUL QUE MAL ACCOMPAGNé.
14/ Faîtes moi part de vos conditions d'arrivée en métropole ?
TROP AMER, pour en parler... Un souvenir lamentable. Le décès de ma mère. L'installation dans un HLM qui était destiné à des BRETONS d'après les dires et qu'on nous a attribués (je vous laisse deviner la suite), ETC, ETC, NON trop DUR à revivre.
15/ Lors de cette arrivée par quoi avez-vous été vous le plus surpris ?
Nous étions en AOUT 1962. La FRANCE était en congé donc forcément, dans l'INDIFFERENCE la plus TOTALE. Dois-je d'avantage préciser, quand on connait la mentalité FRANCAISE... "CHACUN POUR SOIT DIEU POUR TOUS" Et puis les CONGéS n'est-ce pas sacré... SURTOUT que DE GAULLE AVAIT bien préparé l'OPINION FRANCAISE à NOUS RECEVOIR !!! Valait mieux être du DARFOUR ou du KOSOVO, ce jour là pour qu'on s'occupe de nous.
16/ Quelles ont été vos déceptions ? Quelles étaient vos aspirations lors de l'arrivée en métropole ?
Fallait-il, suivant la région où vous arriviez qu'il y ait un COMITé D'ACCUEIL, après la FAMEUSE ETIQUETTE DE COLONIALISTE QUE NOUS AVIONS SUR LE FRONT. De plus lorsque je suis arrivé, j'avais 19 ans et l'armée m'a mis la main dessus. Je n'avais pas le choix.
17 / Avez vous un message à faire passer aux Algériens ?
OUI, JE REGRETTE et REGRETTERAI JUSQU'A MA MORT, MES AMIS TAYEB, DAKKA , DJILALI ET TOUS LES AUTRES. IL N'Y A JAMAIS EU D'HISTOIRES ENTRE NOUS car nous étions tous de conditions MODESTES et HEUREUX de VIVRE entre MER et MONTAGNE dans notre petit village de Cité Longchamp (MERS EL KEBIR)... Nous formions une EQUIPE de FOOT BALL à CITé LONGCHAMP. Et nous jouions contre d'autres villages ROSEVILLE, SAINTE CLOTILDE, LA MARINE D'ORAN ETC, ETC... Pour le reste tout est dans mon coeur, et je ne peux le décrire en quelques lignes...
18/ La France (la métropole) est-elle après toutes ces années votre pays ? Expliquez pourquoi ?
NON ... Je me sentirai d'ICI, que lorsqu'on aura fini de nous salir, comme on le fait à chaque fois que l'occasion se présente (DERNIEREMENT ENCORE LA DATE DU 19 MARS) quelques jours avant "les PORTEUSES de FEU" SUR FR3, etc... Que ça soit à la TELE où dans les JOURNAUX, nous sommes les pestiférés qui avons fait "SUER LE BURNOUS". Nous avons été les meilleurs en 14/ 18 et en 39/45 parce que on a eu besoin de nous... Mais après celà, nous étions de MINABLES COLONISATEURS, UN POINT C'EST TOUT.
19/ Qu'est ce que l'intégration selon vous ? Les Pieds Noirs ont-ils été intégrés ? S'il y a eu intégration ou s'il n'y a pas eu intégration, quelles en sont les raisons selon vous ?
Certains, suivant peut-être l'endroit où ils se trouvent et suivant l'age d'arrivé ici en FRANCE se sont peut-être bien intégrés... MOI je considère qu'il ne peux y avoir d'intégration car certains partis POLITIQUES DONT les COMMUNISTES, font tout ce qu'ils peuvent pour salir notre mémoire et notre IDENTITé. C'est aussi simple que celà.
20/ Par quoi avez-vous envie de terminer votre E-terview ?
Je voudrais dire à certains MEDIAS, qui peuvent me lire pourquoi pas, qu'une grande majorité des PIEDS NOIRS était constituée de gens modestes comme moi (90 ou 95 %) vouloir à tout prix faire croire que nous étions tous des "SUEURS de BURNOUS", est IGNOBLE et finalement fatiguant pour nos mémoires et celles de nos pères qui ne sont plus là... DIRE la VéRITé, RIEN QUE LA VéRITée me suffirait simplement...
Vincent Bouba, 25 mars 2008
samedi 22 mars 2008
Le chanteur Farid Rekab est libre
Arrêté au Havre le 6 mars, le chanteur kabyle était menacé d’expulsion. En grève de la faim depuis le 10 mars, il a été libéré huit jours plus tard. Sa régularisation est en cours.
Un rassemblement de protestation était programmé le 18 mars dans le square qui fait face à la sous-préfecture du Havre. Une belle surprise attendait la centaine de manifestants, militants politiques ou associatifs. Farid Rekab en personne était là. En chair et en os.
Libéré du centre de rétention de Oissel dans l’après midi, le Préfet lui a accordé un titre de séjour temporaire d'un an avec la mention « profession artistique et culturelle » à titre exceptionnel et dérogatoire. Des témoignages étaient venus de Kabylie pour confirmer les craintes de Farid.
La nouvelle de sa libération est arrivée au moment où les militants de l’AHSETI (Association Havraise de Solidarité et d'Echanges avec Tous les Immigrés) mettaient la dernière touche à la banderole demandant la libération et la régularisation du chanteur. Le rassemblement fut maintenu. Farid Rekab pu ainsi remercier directement ses amis connus et inconnus, Havrais et Parisiens, devant la banderole encore fraîche qui le soutenait (notre photo). Une situation rare et bien réconfortante. Vive la solidarité !
Farid Rekab s’est rendu à la préfecture de Seine-Maritime, à Rouen, le 21 mars pour y être régularisé. Le Havre le reverra bientôt puisqu’il a promis de venir chanter pour un repas-concert qui sera donné au profit de l’AHSETI qui ne manque pas de travail par les temps qui courent. L’histoire de tous les sans-papiers ne se termine hélas pas toujours aussi bien.
Paco, 22 mars 2008
vendredi 14 mars 2008
Alger, un soir de novembre 1950
Vie et survie d'Aline Molla-Aracil
Mon père jouait comme à son habitude à la belote entouré de ses plus proches amis chez Palomares, le cafetier du quartier, boulevard Thiers. Mais alerté par sa sœur il fut contraint ce soir là d’abandonner une partie des plus haletantes pour s’empresser de regagner le domicile familial. Ma mère venait en effet de vomir tout un sandwich à la soubressade qu’elle avait tellement apprécié quelques heures plus tôt. J’ai ainsi poussé mes premiers cris et aie respiré l’air d’Alger le dimanche 19 novembre à vingt heures, au 7 rue de l’Orangerie, dans le quartier du Hamma, des mains de madame Sébaoun, une sage femme, amie de mes parents.
Je suis née française, en Algérie, terre où quelques décennies plus tôt mes arrière-grands-parents originaires d’Olivia en Espagne, et d’Alsace s’étaient échoués, recherchant en cette nouvelle contrée un Eldorado qui allait être le lieu où leur vie aurait pu renaître. Mon arrière-grand-père Domigo Molla Mas a ainsi été embauché en qualité de tailleur de vigne dès l’année 1896. Il a reçu de la France un petit lopin de terre dans ce pays où il retrouva le même soleil, le même sable et la même mer qu’en Espagne. Cette arrivée en Algérie n’avait nullement pour but de coloniser les Arabes, ni de leur apprendre les us et coutumes de notre société occidentale. Il a tout simplement émigré pour trouver un emploi puisque son pays d’origine ne lui en donnait pas. C’était en quelques sorte une émigration économique très lointaine des préoccupations coloniales de la France et de l’exploitation des richesses du pays.
J’ai vécu une enfance très heureuse, et bien que les situations professionnelles de mes parents étaient assez modestes nous ne manquions de rien mon frère Guy et moi. Scolarisée à l’âge de cinq ans à l’école Caussemille, école où toutes les communautés étaient représentées, j’ai passé la première année à pleurer et à appeler désespérément mon frère lors des récréations afin que celui-ci vienne me chercher de l’autre côté du grillage. Les jours où nous n’avions pas d’école, ou bien après celle-ci mon père m’emmenait au Jardin d’Essais tout proche de notre maison. Là, je fis la découverte de plantes et d’arbres les plus extraordinaires les uns que les autres. Mes yeux de fillette s’émerveillaient devant cette végétation luxuriante. Nos promenades étaient interminables et sans l’instance de mon père pour rentrer à la maison j’aurai certainement passé des journées entières à sillonner les allées, à contempler les dattiers, bananiers, et autres palmiers, ou donner à manger aux poissons rouges qui nageaient paisiblement dans les bassins. C’était un jardin extraordinaire !
Tous les samedis après midi, ma mère invitait nos voisines (Madame Boualam et sa belle fille Louisa) à venir déguster une tasse de café et regarder la télévision qu’elles n’avaient pas chez elles. Moi, je rentrai de l’école avec les filles de Louisa, Zoubida et Nacéra, et nous goûtions un succulent chocolat au lait chaud devant la fin du film égyptien de l’après midi. Nous étions très proches de la famille Boualem. Ma mère donnait souvent du linge ou des vêtements pour les petites filles, et madame Boualem, lors du Ramadan remplissait notre maison de pâtisseries orientales, de chorba, ou encore de loubia. Nos parents s’échangeaient leur savoir-faire et leurs spécialités culinaires. Une fois par semaine nous allions aussi aux Bains maures toutes ensembles, et quelles parties de rire !
Le dimanche était le jour consacré à la famille. Nous invitions souvent mes oncles et tantes qui ne se faisaient nullement prier pour venir déguster rue de l’Orangerie les délicieux mets concoctés par mes parents. Couscous, paëlla, macaronade ou encore l’incontournable poulet-pommes de terre au four embaumaient notre habitation et ravissaient les appétits de nos convives.
Vincent Bouba, 14 mars 2008
jeudi 13 mars 2008
Le chanteur kabyle Farid Rekab menacé d’expulsion
Le chanteur kabyle Farid Rekab a été arrêté au Havre le 6 mars. Il risque l’expulsion. L’interprète des chansons de Lounès Matoub est incarcéré au CRA de Oissel (près de Rouen) où il a entamé une grève de la faim. Associations et artistes français/algériens se mobilisent. Rassemblements le 18 mars au Havre et à Paris.
Farid Rekab est un chanteur kabyle engagé. Il milite notamment pour que la vérité soit faite sur le lâche assassinat du poète et chanteur Lounès Matoub (tué le 25 juin 1998). Membre de la fondation Lounès Matoub, Farid subissait de nombreuses pressions et intimidations. Sa lutte pour une culture berbère démocratique et laïque, fait de lui une cible pour les intégristes et les islamistes.
Farid Rekab s’est exilé en France en 2001. Il a fait de nombreuses démarches pour obtenir la nationalité française. Sans suite. Il a déposé une demande d'asile en novembre 2005. Sans suite...
Farid habite à Paris depuis plus de cinq ans. Le 10 novembre dernier, il avait été arrêté par les policiers du commissariat de la Goutte d’Or parce qu’il n’avait pas pu présenter un titre de séjour régularisé. Relâché peu après, le voici à nouveau menacé d’expulsion.
Venu rendre visite à son frère au Havre, le 6 mars, Farid Rekab a été arrêté dans la rue par des policiers en civil lors d'un contrôle d'identité. Conduit au centre de rétention administrative (CRA) de Oissel, il est l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière. Son retour forcé en Algérie le mettrait en danger de mort. Farid a entamé une grève de la faim pour rester en France.
Pour empêcher son expulsion et obtenir sa libération, le frère de Farid, la communauté maghrébine et des artistes du Havre, organisent un grand rassemblement « festif » devant la sous-préfecture du Havre mardi 18 mars, à 18h.
Le même type de rassemblement devrait se dérouler dans le même temps devant la préfecture de Paris.
Les messages de soutien peuvent être envoyés à l’Association Havraise de Solidarité et d'Echanges avec Tous les Immigrés (AHSETI) : ahseti@gmail.com
Paco, 13 mars 2008
“yâ enta ouled el bled”
E-terview avec Alexandre Faulx-Briole, sept générations de Pieds-Noirs...
http://afaulxbriole.free.fr
1/ Quelle est l'origine de votre arrivée en Algérie ? A quelle époque date l'installation de votre famille en Algérie ?
Ma famille est arrivée en Algérie dans les années 1830 ; le premier “algérien” fut cantinier dans les armées de Bugeaud, puis s’est installé à Médéa dès la conquête et a ouvert deux hôtels dont un acheté à des Arabes et le second bâti sur un terrain donné en concession par le gouverneur militaire. Le premier Briole est le gendre de celui-ci ; natif de Graveson (Bouches du Rhône) et engagé volontaire dans l’infanterie de ligne, il a combattu à Solférino et s’est ensuite reconverti dans la Santé militaire. Le premier Faux est mon grand-père paternel ; natif du Bouscat (Gironde), il a fait son service militaire dans les Zouaves à Fort National, a rencontré ma grand-mère petite fille du précédent, et s’est installé à Bab el Oued.
2/ Quels étaient vos liens avec les Algériens lorsque vous étiez enfant puis adulte ?
Enfant, je n’avais guère de liens avec les Algériens de mon âge ; les seuls que je connaissais étaient les femmes de ménage qui servaient à la maison et les employés de bureau de mon père qui me faisaient traverser Alger pour aller de chez nous à El Biar à chez mes grands parents à Bab el Oued. Je n’ai réellement rencontré des Algériens qu’au lycée Victor Hugo en 1963, où je les considérais comme des élèves comme les autres. Ensuite à la Fac’ de Droit à Alger j’étais parmi les quelques Européens, et c’étaient les Algériens et les Algériennes qui me considéraient comme un étudiant comme les autres.
Enfin, lorsque j’ai travaillé d’abord à la Chambre Française de Commerce et d’Industrie en Algérie, puis pour une société américaine, ce furent des collègues, puis des clients ou des fournisseurs également comme les autres. Actuellement, je vais régulièrement en Algérie pour des missions de conseil, et je n’ai que des interlocuteurs algériens. Je n’ai jamais caché mes origines, et la présence ancienne de ma famille en Algérie, et je n’ai jamais entendu une seule réflexion désagréable (sauf une fois de la part d’un homme ivre dans la rue !)
3/ Quelles ont été les conditions de travail de votre famille en Algérie ?
Je ne peux parler que de mon grand père et de mon père. Mon grand père était comptable dans une fabrique de meubles installée en haut de Bab el Oued, du côté de Bastos ; je crois ne l’avoir connu qu’à la retraite, car il avait été gazé en 1916 ou 17 et en avait gardé des séquelles assez profondes. Mon père a dirigé de 1955 à sa retraite différentes organisations patronales, de l’Union Algérienne du Bâtiment et des Travaux Publics (UNALBA) à la CFCIA (cf. ci-dessus). A ma connaissance, le seul propriétaire foncier de la famille fut l’aïeul de Médéa.
4/ Cinq mots commençant par la première lettre de votre prénom ?
Algérie, Amour du pays, Alexandre (mon arrière-grand-père), Anne-Marie (ma femme rencontrée au lycée à Alger), Aurélie (ma fille qui a fait ses premiers pas et sa première dent à Alger)
5) Faîtes moi part d'un de vos souvenirs d'Algérie ?
Le plus drôle, quand on y pense quelques années après (combien d’années, cela importe peu) : comment nous avons vécu les nombreuses pénuries de produits alimentaires de base pendant les années 1976 à 1982, en mêlant débrouillardise et connaissance du “terrain” et joie ineffable chaque fois que nous trouvions quelque chose d’un peu en dehors de l’ordinaire : des carottes après trois mois sans, des ampoules électriques du bon modèle, des pâtes alimentaires mangeables, ...
Bien sûr, plein d’autres souvenirs de tous ordres : l’enterrement de mon grand-père en 1968 au cimetière de Saint Eugène, notre mariage au Consulat de France à Alger, mes séjours à Ouargla pendant que ma fille grandissait à Alger, ...
6/ L'indépendance était-elle inévitable ?
Oui, mais on aurait certainement pu éviter un tel gâchis. Mais comment et pourquoi réécrire l’Histoire ? Je préfère parler de l’amitié que me portent beaucoup d’Algériens avec qui je travaille, de vieux copains de lycée, ... Quand le chauffeur de taxi qui vous charge rue Michelet et à qui vous dîtes “ Saint Eugêne s’il vous plaît” vous répond sourire de bienvenue aux lèvres “Vous allez voir la famille ? Marhaba”, quand les employés du cimetière m’accueillent comme un vieil ami parce que j’ai renouvelé la concession cinquantenaire et que je viens une fois par an au moins, je vous assure que ça paye le billet d’avion.
Je ne peux parler que de mon grand père et de mon père. Mon grand père était comptable dans une fabrique de meubles installée en haut de Bab el Oued, du côté de Bastos ; je crois ne l’avoir connu qu’à la retraite, car il avait été gazé en 1916 ou 17 et en avait gardé des séquelles assez profondes. Mon père a dirigé de 1955 à sa retraite différentes organisations patronales, de l’Union Algérienne du Bâtiment et des Travaux Publics (UNALBA) à la CFCIA (cf. ci-dessus). A ma connaissance, le seul propriétaire foncier de la famille fut l’aïeul de Médéa.
4/ Cinq mots commençant par la première lettre de votre prénom ?
Algérie, Amour du pays, Alexandre (mon arrière-grand-père), Anne-Marie (ma femme rencontrée au lycée à Alger), Aurélie (ma fille qui a fait ses premiers pas et sa première dent à Alger)
5) Faîtes moi part d'un de vos souvenirs d'Algérie ?
Le plus drôle, quand on y pense quelques années après (combien d’années, cela importe peu) : comment nous avons vécu les nombreuses pénuries de produits alimentaires de base pendant les années 1976 à 1982, en mêlant débrouillardise et connaissance du “terrain” et joie ineffable chaque fois que nous trouvions quelque chose d’un peu en dehors de l’ordinaire : des carottes après trois mois sans, des ampoules électriques du bon modèle, des pâtes alimentaires mangeables, ...
Bien sûr, plein d’autres souvenirs de tous ordres : l’enterrement de mon grand-père en 1968 au cimetière de Saint Eugène, notre mariage au Consulat de France à Alger, mes séjours à Ouargla pendant que ma fille grandissait à Alger, ...
6/ L'indépendance était-elle inévitable ?
Oui, mais on aurait certainement pu éviter un tel gâchis. Mais comment et pourquoi réécrire l’Histoire ? Je préfère parler de l’amitié que me portent beaucoup d’Algériens avec qui je travaille, de vieux copains de lycée, ... Quand le chauffeur de taxi qui vous charge rue Michelet et à qui vous dîtes “ Saint Eugêne s’il vous plaît” vous répond sourire de bienvenue aux lèvres “Vous allez voir la famille ? Marhaba”, quand les employés du cimetière m’accueillent comme un vieil ami parce que j’ai renouvelé la concession cinquantenaire et que je viens une fois par an au moins, je vous assure que ça paye le billet d’avion.
7/ Que pensez-vous des gros propriétaires terriens "colons" français ?
Rien, je n’en ai jamais connu ; pour moi ce sont des personnages historiques, c’est comme si vous me demandiez ce que je pense de Jules Ferry ou de Gaston Doumergue.
8/ Quels sont vos sentiments à propos de l'OAS ?
Des terroristes.
9/ Que pensez-vous de De Gaulle ?
Le plus grand des présidents de la République française ; son seul défaut est d’être un homme du Nord, plus tourné vers l’Europe que vers l’Afrique. Il est triste que les élèves français d’aujourd’hui ignorent jusqu’à son nom.
10/ Cinq mots pour définir votre Algérie ?
“Ça ne me suffit pas” ; ou bien ce qu’un lecteur algérien de mon site internet m’a écrit un jour, que j’ai mis si longtemps à vraiment comprendre “yâ enta ouled el bled”.
11/ Qu'est qu'une personne déracinée selon vous ?
Le pire des déracinements ? Celui des enfants d’immigrés algériens en France, qui ont grandi ou sont nés en France, ne peuvent cacher qu’ils ne sont pas d’origine européenne (teint, nom, ...) qui on fait aimablement remarquer qu’ils ne sont pas chez eux en France, et qui s’aperçoivent qu’ils ne sont pas chez eux non plus en Algérie quand ils y vont en vacances ; j’ai rencontré deux de ces gamines dans le bus à Paris en 1986, je l’ai raconté sur mon site internet, et 14 ans après je pleurais en écrivant cette histoire. Je ne me sens pas tous les jours chez moi en France, surtout quand j’arrive d’Alger, mais personne ne me le fait remarquer.
12/ Que pensez-vous du FLN ?
Un parti politique unique et totalitaire qui a fait le malheur quotidien des Algériens pendant trop longtemps à cause d’une politique économique catastrophique ; il a été largement aidé par des gauchistes français de tous bords, dont certains en sont encore très fiers. Le FLN d’avant 1962, je n’en connais que ce que j’ai lu dans des livres d’Histoire.
13/ Que pensez-vous des français de métropole lors de la guerre d'Algérie ?
Certains ont découvert l’existence du pays lorsque leurs fils ont été appelés ou rappelés pour s’y battre ; je suppose que les Français d’Indochine en diraient autant.
14/ Faîtes moi part de vos conditions d'arrivée en métropole ?
Je suis arrivé 4 fois en métropole, et sauf la première fois parce que je n’avais que 11 ans j’ai toujours fait une dépression nerveuse.
15/ Lors de cette arrivée par quoi avez-vous été vous le plus surpris ?
Question sans intérêt
16/ Quelles ont été vos déceptions ? Quelles étaient vos aspirations lors de l'arrivée en métropole ?
Idem
17 / Avez vous un message à faire passer aux Algériens ?
Je le leur ai dit sur mon site Internet depuis février 2000 ; à ma grande surprise, mes premiers lecteurs ont été des Algériens, du bled ou émigrés ; ma fille et moi avons surpris des gens dans la rue qui citaient ce que je raconte sur ce site. Je suis célèbre en Algérie (je ne suis pas le seul !), et on m’enseigne dans les Facultés françaises et américaines !
18/ La France (la métropole) est-elle après toutes ces années votre pays ? Expliquez pourquoi ?
La France est le pays de ma mère, de ma femme et de ma carte d’identité ; le pays de mon père, de mon coeur et le mien c’est l’Algérie ; ma fille a deux pays, comme Joséphine Baker.
19/ Qu'est ce que l'intégration selon vous ? Les Pieds Noirs ont-ils été intégrés ? S'il y a eu intégration ou s'il n'y a pas eu intégration, quelles en sont les raisons selon vous ?
On est intégré quand les gens ne se retournent plus sur vous ; Mme Rachida Dati ou le candidat à la mairie de Rennes seront intégrés quand on oubliera de citer leur origine ; après tout, ma famille maternelle est arrivée d’Ukraine et de Pologne il y a 150 ans et nous sommes les seuls à le savoir. Je me sens intégré en Algérie lorsque mes interlocuteurs me disent que je suis “algérien comme [eux]” lorsqu’ils découvrent mes origines (dont je suis fier et que je ne cache pas).
20/ Par quoi avez-vous envie de terminer votre E-terview ?
Pourquoi, c’est déjà terminé ? Je suis plutôt timide et discret, je suis capable de rester une journée sans parler quiconque ; mais ne me parlez pas du bled, je vous couperai la parole et je ne vous la rendrai plus.
Rien, je n’en ai jamais connu ; pour moi ce sont des personnages historiques, c’est comme si vous me demandiez ce que je pense de Jules Ferry ou de Gaston Doumergue.
8/ Quels sont vos sentiments à propos de l'OAS ?
Des terroristes.
9/ Que pensez-vous de De Gaulle ?
Le plus grand des présidents de la République française ; son seul défaut est d’être un homme du Nord, plus tourné vers l’Europe que vers l’Afrique. Il est triste que les élèves français d’aujourd’hui ignorent jusqu’à son nom.
10/ Cinq mots pour définir votre Algérie ?
“Ça ne me suffit pas” ; ou bien ce qu’un lecteur algérien de mon site internet m’a écrit un jour, que j’ai mis si longtemps à vraiment comprendre “yâ enta ouled el bled”.
11/ Qu'est qu'une personne déracinée selon vous ?
Le pire des déracinements ? Celui des enfants d’immigrés algériens en France, qui ont grandi ou sont nés en France, ne peuvent cacher qu’ils ne sont pas d’origine européenne (teint, nom, ...) qui on fait aimablement remarquer qu’ils ne sont pas chez eux en France, et qui s’aperçoivent qu’ils ne sont pas chez eux non plus en Algérie quand ils y vont en vacances ; j’ai rencontré deux de ces gamines dans le bus à Paris en 1986, je l’ai raconté sur mon site internet, et 14 ans après je pleurais en écrivant cette histoire. Je ne me sens pas tous les jours chez moi en France, surtout quand j’arrive d’Alger, mais personne ne me le fait remarquer.
12/ Que pensez-vous du FLN ?
Un parti politique unique et totalitaire qui a fait le malheur quotidien des Algériens pendant trop longtemps à cause d’une politique économique catastrophique ; il a été largement aidé par des gauchistes français de tous bords, dont certains en sont encore très fiers. Le FLN d’avant 1962, je n’en connais que ce que j’ai lu dans des livres d’Histoire.
13/ Que pensez-vous des français de métropole lors de la guerre d'Algérie ?
Certains ont découvert l’existence du pays lorsque leurs fils ont été appelés ou rappelés pour s’y battre ; je suppose que les Français d’Indochine en diraient autant.
14/ Faîtes moi part de vos conditions d'arrivée en métropole ?
Je suis arrivé 4 fois en métropole, et sauf la première fois parce que je n’avais que 11 ans j’ai toujours fait une dépression nerveuse.
15/ Lors de cette arrivée par quoi avez-vous été vous le plus surpris ?
Question sans intérêt
16/ Quelles ont été vos déceptions ? Quelles étaient vos aspirations lors de l'arrivée en métropole ?
Idem
17 / Avez vous un message à faire passer aux Algériens ?
Je le leur ai dit sur mon site Internet depuis février 2000 ; à ma grande surprise, mes premiers lecteurs ont été des Algériens, du bled ou émigrés ; ma fille et moi avons surpris des gens dans la rue qui citaient ce que je raconte sur ce site. Je suis célèbre en Algérie (je ne suis pas le seul !), et on m’enseigne dans les Facultés françaises et américaines !
18/ La France (la métropole) est-elle après toutes ces années votre pays ? Expliquez pourquoi ?
La France est le pays de ma mère, de ma femme et de ma carte d’identité ; le pays de mon père, de mon coeur et le mien c’est l’Algérie ; ma fille a deux pays, comme Joséphine Baker.
19/ Qu'est ce que l'intégration selon vous ? Les Pieds Noirs ont-ils été intégrés ? S'il y a eu intégration ou s'il n'y a pas eu intégration, quelles en sont les raisons selon vous ?
On est intégré quand les gens ne se retournent plus sur vous ; Mme Rachida Dati ou le candidat à la mairie de Rennes seront intégrés quand on oubliera de citer leur origine ; après tout, ma famille maternelle est arrivée d’Ukraine et de Pologne il y a 150 ans et nous sommes les seuls à le savoir. Je me sens intégré en Algérie lorsque mes interlocuteurs me disent que je suis “algérien comme [eux]” lorsqu’ils découvrent mes origines (dont je suis fier et que je ne cache pas).
20/ Par quoi avez-vous envie de terminer votre E-terview ?
Pourquoi, c’est déjà terminé ? Je suis plutôt timide et discret, je suis capable de rester une journée sans parler quiconque ; mais ne me parlez pas du bled, je vous couperai la parole et je ne vous la rendrai plus.
Vincent Bouba, 11 mars 2008
lundi 10 mars 2008
Rencontre avec Christian Aubert
Fils et petit-fils de Rapatriés d'Algérie. Auteur littéraire...
Blog officiel : http://christian-aubert.over-blog.fr
1/ Quelle est l'origine de votre arrivée en Algérie ? A quelle époque date l'installation de votre famille en Algérie ?
Ma famille est arrivée en Algérie après sa colonialisation et le père de mon grand-père participait à la construction des voies ferrées.
2/ Quels étaient vos liens avec les Algériens lorsque vous étiez enfant puis adulte ?
Ce que m'a rapporté ma famille, c'était une agréable entente avec l'ensemble des algériens. Toujours en grandissant, ils se sont beaucoup attachés, et cela encore aujourd'hui avec certains d'eux.
3/ Quelles ont été les conditions de travail de votre famille en Algérie ?
Les conditions de travail ont été pénibles, surtout pour le père de mon grand-père qui était à l'installation des voies ferrées. Et peut-être diront certains, moins pénibles pour mon grand-père qui lui, très jeune, est entré dans la coloniale.
4/ Quatre mots commençant par la première lettre de votre prénom ?
Coloniale, Capitulation, Critique, Combat
5) Faîtes moi part d'un de vos souvenirs d'Algérie ?
Encore aujourd'hui, le plus grand souvenir qu'aie mon grand-père est de Ménerville où il a vécu avec l'ensemble de sa famille et amis.
6/ L'indépendance était-elle inévitable ?
Non. Pas inévitable car bien des choses auraient pu réussir à garder cette terre qui nous était chère et surtout si la métropole n'avait pas eu à s'en mêler car eux n'ont jamais été là-bas.
7/ Que pensez-vous des gros propriétaires terriens "colons" français ?
Je n'ai rien à en penser. Ils ont colonisé, ils ont acquis des propiétés, en résumé, ça les regarde.
8/ Quels sont vos sentiments à propos de l'OAS ?
L'OAS et bien, beaucoup ont des sentiments néfastes. Probablement avérés mais le FLN était bien plus. Alors ce que je dis de l'OAS c'est plus une félicité qu'une condamnation.
9/ Que pensez-vous de De Gaulle ?
De Gaulle n'a été qu'un traitre sauvage, malveillant et uniquement aux intérêts de ce qu'il croyait juste, la métropole. Certes il a été, certes il nous a compris, mais quoiqu'il en soit, nous aussi nous avons eu et encore à présent une note de conscience.
10/ Cinq mots pour définir votre Algérie ?
Paix, Avenir, Richesse, Amour, Respect.
11/ Qu'est qu'une personne déracinée selon vous ?
Qui a été arrachée à sa terre sans gêne ni pitié et avec encore moins de reconnaissance et de grandeur. Laissé pour abandon dans un univers méconnu de lui et oublié.
12/ Que pensez-vous du FLN ?
Je n'ai rien à en penser si ce n'est que des sauvages barbares, terroristes et malveillants.
13/ Que pensez-vous des français de métropole lors de la guerre d'Algérie ?
Aussi traitres et incompréhensibles, ils n'avaient pas à se mêler de nous. Nous-même jamais nous nous sommes mêler d'eux. Les français de métropole sont des abrutis qui ne connaissaient rien de ce que l'on faisait.
14/ Faîtes moi part de vos conditions d'arrivée en métropole ?
Les conditions pour ma famille étaient moins galéreuses que bien d'autres car mon grand-père avait acquis un statut social lui permettant d'accéder plus facilement à des avantages.
15/ Lors de cette arrivée par quoi avez-vous été vous le plus surpris ?
Ce qui a surpris le plus notre famille, c'est de voir le visage des français qui nous observaient comme des pestiférés. Cela a été quelque peu difficile les premiers temps bien qu'il fallait se cacher quelques autres fois car comme n'étant pas appréciés, bien quelques fois, les pierres nous ricochaient sur le coin du visage.
16/ Quelles ont été vos déceptions ? Quelles étaient vos aspirations lors de l'arrivée en métropole ?
La déception d'avoir quitté une terre où nous avons tout construit. Les aspirations : revenir d'où on venait.
17 / Avez vous un message à faire passer aux Algériens ?
Que nous les respectons autant que nous les avons respectés quand nous étions présents, en espérant que eux nous retournent cette gratitude en acceptant l'histoire et la réalité qu'a été notre emploi auprès d'eux.
18/ La France (la métropole) est-elle après toutes ces années votre pays ? Expliquez pourquoi ?
Bien sûr qu'elle est notre pays, comme l'Algérie tant que flottaient les trois couleurs et retentissait l'hymne. Alors la métropole, nous nous y sommes accoutumés puisque nous n'avions pas d'autres choix.
19/ Qu'est ce que l'intégration selon vous ? Les Pieds Noirs ont-ils été intégrés ? S'il y a eu intégration ou s'il n'y a pas eu intégration, quelles en sont les raisons selon vous ?
Certains pieds noirs ont pu s'intégrer d'autres non. D'abord, parce que les pieds noirs, on les voit comme des barbares, des étrangers et je ne sais quoi d'autre. Alors comme je le disais, même aujourd'hui en 2008, bien que l'on soit fiers d'être pieds noirs, on se cache et évite de divulguer notre passé, du fait que l'on nous regarde de travers.
20/ Par quoi avez-vous envie de terminer votre E-terview ?
En disant que l'histoire a eu raison ou tort, qu'importe, ce que l'on constate seulement c'est que ici en France, on ne raconte pas notre histoire, nous pieds noirs. Et quand bien même qu'on en parle, on n'en dit que des mensonges. Bien souvent encore on préfère entendre les raisons des algériens plutôt que nous qui étions le coeur de ce marquage, de cette histoire.
Vincent Bouba, 10 mars 2008
Blog officiel : http://christian-aubert.over-blog.fr
1/ Quelle est l'origine de votre arrivée en Algérie ? A quelle époque date l'installation de votre famille en Algérie ?
Ma famille est arrivée en Algérie après sa colonialisation et le père de mon grand-père participait à la construction des voies ferrées.
2/ Quels étaient vos liens avec les Algériens lorsque vous étiez enfant puis adulte ?
Ce que m'a rapporté ma famille, c'était une agréable entente avec l'ensemble des algériens. Toujours en grandissant, ils se sont beaucoup attachés, et cela encore aujourd'hui avec certains d'eux.
3/ Quelles ont été les conditions de travail de votre famille en Algérie ?
Les conditions de travail ont été pénibles, surtout pour le père de mon grand-père qui était à l'installation des voies ferrées. Et peut-être diront certains, moins pénibles pour mon grand-père qui lui, très jeune, est entré dans la coloniale.
4/ Quatre mots commençant par la première lettre de votre prénom ?
Coloniale, Capitulation, Critique, Combat
5) Faîtes moi part d'un de vos souvenirs d'Algérie ?
Encore aujourd'hui, le plus grand souvenir qu'aie mon grand-père est de Ménerville où il a vécu avec l'ensemble de sa famille et amis.
6/ L'indépendance était-elle inévitable ?
Non. Pas inévitable car bien des choses auraient pu réussir à garder cette terre qui nous était chère et surtout si la métropole n'avait pas eu à s'en mêler car eux n'ont jamais été là-bas.
7/ Que pensez-vous des gros propriétaires terriens "colons" français ?
Je n'ai rien à en penser. Ils ont colonisé, ils ont acquis des propiétés, en résumé, ça les regarde.
8/ Quels sont vos sentiments à propos de l'OAS ?
L'OAS et bien, beaucoup ont des sentiments néfastes. Probablement avérés mais le FLN était bien plus. Alors ce que je dis de l'OAS c'est plus une félicité qu'une condamnation.
9/ Que pensez-vous de De Gaulle ?
De Gaulle n'a été qu'un traitre sauvage, malveillant et uniquement aux intérêts de ce qu'il croyait juste, la métropole. Certes il a été, certes il nous a compris, mais quoiqu'il en soit, nous aussi nous avons eu et encore à présent une note de conscience.
10/ Cinq mots pour définir votre Algérie ?
Paix, Avenir, Richesse, Amour, Respect.
11/ Qu'est qu'une personne déracinée selon vous ?
Qui a été arrachée à sa terre sans gêne ni pitié et avec encore moins de reconnaissance et de grandeur. Laissé pour abandon dans un univers méconnu de lui et oublié.
12/ Que pensez-vous du FLN ?
Je n'ai rien à en penser si ce n'est que des sauvages barbares, terroristes et malveillants.
13/ Que pensez-vous des français de métropole lors de la guerre d'Algérie ?
Aussi traitres et incompréhensibles, ils n'avaient pas à se mêler de nous. Nous-même jamais nous nous sommes mêler d'eux. Les français de métropole sont des abrutis qui ne connaissaient rien de ce que l'on faisait.
14/ Faîtes moi part de vos conditions d'arrivée en métropole ?
Les conditions pour ma famille étaient moins galéreuses que bien d'autres car mon grand-père avait acquis un statut social lui permettant d'accéder plus facilement à des avantages.
15/ Lors de cette arrivée par quoi avez-vous été vous le plus surpris ?
Ce qui a surpris le plus notre famille, c'est de voir le visage des français qui nous observaient comme des pestiférés. Cela a été quelque peu difficile les premiers temps bien qu'il fallait se cacher quelques autres fois car comme n'étant pas appréciés, bien quelques fois, les pierres nous ricochaient sur le coin du visage.
16/ Quelles ont été vos déceptions ? Quelles étaient vos aspirations lors de l'arrivée en métropole ?
La déception d'avoir quitté une terre où nous avons tout construit. Les aspirations : revenir d'où on venait.
17 / Avez vous un message à faire passer aux Algériens ?
Que nous les respectons autant que nous les avons respectés quand nous étions présents, en espérant que eux nous retournent cette gratitude en acceptant l'histoire et la réalité qu'a été notre emploi auprès d'eux.
18/ La France (la métropole) est-elle après toutes ces années votre pays ? Expliquez pourquoi ?
Bien sûr qu'elle est notre pays, comme l'Algérie tant que flottaient les trois couleurs et retentissait l'hymne. Alors la métropole, nous nous y sommes accoutumés puisque nous n'avions pas d'autres choix.
19/ Qu'est ce que l'intégration selon vous ? Les Pieds Noirs ont-ils été intégrés ? S'il y a eu intégration ou s'il n'y a pas eu intégration, quelles en sont les raisons selon vous ?
Certains pieds noirs ont pu s'intégrer d'autres non. D'abord, parce que les pieds noirs, on les voit comme des barbares, des étrangers et je ne sais quoi d'autre. Alors comme je le disais, même aujourd'hui en 2008, bien que l'on soit fiers d'être pieds noirs, on se cache et évite de divulguer notre passé, du fait que l'on nous regarde de travers.
20/ Par quoi avez-vous envie de terminer votre E-terview ?
En disant que l'histoire a eu raison ou tort, qu'importe, ce que l'on constate seulement c'est que ici en France, on ne raconte pas notre histoire, nous pieds noirs. Et quand bien même qu'on en parle, on n'en dit que des mensonges. Bien souvent encore on préfère entendre les raisons des algériens plutôt que nous qui étions le coeur de ce marquage, de cette histoire.
Vincent Bouba, 10 mars 2008
dimanche 9 mars 2008
Les brûlures de la colonisation
Après un cycle consacré au thème des « Guerres civiles », puis aux « Complots, secrets et rumeurs », la BNF en partenariat avec le magazine L'Histoire, poursuit ses leçons d'histoire sur le thème de la « colonisation ».
La guerre d'Algérie n'est pas finie ?
Benjamin Stora, Historien, Professeur des Universités
INALCO (Institut National des Langues et Civilisations)
En partenariat avec "L'Histoire".
mardi 8 avril 2008
18h30 - 20h
Site François-Mitterrand - Grand auditorium
Entrée libre
vendredi 7 mars 2008
Le soldat françaoui et les « Indigènes »
Ce récit est une histoire vraie. Jean-Luc Debry s’est inspiré de ce qu’a vécu son père, un jeune rouennais pressé de s’engager dans l’armée française, fin 1944, pour aller combattre le nazisme. Finalement, il se retrouvera dans l’Est algérien, à Sétif, au moment où éclatait une révolte anticoloniale…
Juin 1944. Rouen agonise sous une pluie de bombes alliées. Les gens sont terrés dans des caves. Les uns prient. Les autres sursautent en pleurant. Des dizaines de familles s’entassent dans des abris antiaériens inondés et malsains pendant des jours et des jours. Dehors, des chapelets de projectiles pulvérisent les rues. Les murs vibrent dangereusement. À la fin de la Semaine rouge, la ville est en partie détruite. Un amoncellement de gravats puant la charogne se consume. Hôpitaux et cimetières sont saturés. Six cents tonnes de bombes tomberont sur Rouen cette année-là.
Notre jeune ami a dix-huit ans quand l’armée allemande quitte la ville. Les escadrilles de la RAF pourchassent l’occupant en déroute. Les convois ennemis sont la proie des flammes. Apocalypse et démesure. Joie inhumaine. Les habitants s’enhardissent et font main basse sur les bottes des cadavres boches pas trop amochés. L’odeur des Allemands grillés vifs flotte dans l’air. Malheur aux vaincus. Les « femmes indignes » sont offertes, le crâne rasé, en pâture à la foule.
Les flirts, le jazz... et le commerce mènent la danse. Tout se vend, vestes, brodequins, pneus, parachutes, avec la bénédiction de l’armée américaine. Grisés par l’absence de scrupule des libérateurs, les voyous deviennent d’excellents entrepreneurs. Au milieu de ce joyeux bordel, un bureau de recrutement s’est ouvert. La guerre n’est pas finie. L’armée française se réorganise et cherche des volontaires. Notre jeune homme entend se libérer de l’étreinte étouffante de sa mère, dire adieu à l’usine, faire chier son père (antimilitariste rescapé de la boucherie de 14-18) et se battre pour une bonne cause. Tout un programme.
« Nous nous étions imaginés assis sur un char Sherman, avec pour objectif la Forêt noire et le nid d’aigle de Berchtesgaden… » Raté. « Les libérateurs remontent vers l’Est tandis que nous descendons vers le Sud. L’Histoire va dans un sens et nous dans l’autre », constate amèrement le bleu. Sales, assoiffés et affamés, les jeunes recrues arrivent à Marseille pour embarquer sur le Sidi-Aïssa, une épave flottante. Direction l’Algérie. Le vieux cargo grince dans le mauvais temps et il n’est pas le seul. Pataugeant sur un tapis gluant de vomissures et de graisse, les soldats s’attendent à couler à tout moment. Puis, la baie d’Alger se dessine à l’horizon.
8 mai 1945. L’Allemagne nazie capitule. Partout on célèbre la victoire de la démocratie. Les drapeaux alliés fleurissent. Le soleil cogne dur. « À Sotteville, il pleut sûrement car il y pleut toujours », marmonne le déraciné. C’est un autre type de pluie qui s’abat sur Sétif. Les croiseurs Dugay-Trouin et Le Triomphant pilonnent la région. On dit que les « ennemis de la France » s’y tapissent. En général, les colons, gens bien aimables avec leur sympathique accent, parlent plutôt de melons et de bicots.
Le patos venu de la grise Normandie goutte aux mille parfums des marchés et à l’exubérance de la végétation. Glycines, jasmins, aubépines, chèvrefeuilles et bougainvilliers le charment et l’étourdissent. Le paradis s’arrête là. Dans la montagne, c’est l’enfer. Au milieu d’une troupe portée sur le concours de pets, le Rouennais contemple les champignons de poussière qui poussent dans le paysage. Des obus pulvérisent des maisons en torchis. « Maintien de l’ordre », assurent les officiers dans les zones de nettoyage. « Légitime défense », renchérissent les Pieds-noirs organisés en milices qui exécutent un père quand le fils est insaisissable, un neveu pour punir l’oncle… Parties de chasse ordinaire. « Les melons se reproduisent comme des lapins », lancent des comiques.
Bateaux, avions, blindés, troupes incendient les maisons, déciment les troupeaux, détruisent les puits, fauchent les corps. Un conseil tombe : « Faut pas que tu raisonnes comme si tu étais à Rouen. Adapte toi au pays... »
17 mai 1945. Le 7ème régiment de tirailleurs algériens débarque en fanfare. Les « indigènes » se sont couverts de gloire en Italie, en Provence et en Alsace. Nombre d’entre eux sont natifs de Sétif. Quelle Algérie les attend ? Leurs familles et leurs voisins ont été mitraillés, violés, brûlés vifs. Le soulèvement de mai 1945 a fait une centaine de victimes européennes dans la région de Sétif. Selon le consul général américain d’Alger, la répression aurait fait pas moins de 45 000 morts chez les indigènes.
Avec un talent littéraire évident, Jean-Luc Debry nous offre un récit qui coupe le souffle. En s’appuyant à la fois sur des recherches historiques et sur les souvenirs de son père, son texte s’apparente presque à un témoignage. Il restitue par ailleurs des moments sanglants longtemps occultés. Le 8 mai 1945, la population musulmane fut en effet autorisée à manifester dans toute l’Algérie pour célébrer la victoire des Alliés contre l’Allemagne nazie.
La liesse dérapa à Sétif quand la police fit feu sur un jeune homme qui brandissait le drapeau indépendantiste algérien. Le nombre d’indigènes tués par la police et les tirailleurs sénégalais ce jour-là ne sera jamais connu. Le poète Kateb Yacine fut témoin de cette barbarie commise un jour où l’on fêtait le retour de la démocratie. La censure militaire étouffa cette fâcheuse coïncidence. À gauche, le PCF accusa les chefs nationalistes d’être des provocateurs à la solde d’Hitler et exigea que les meneurs soient passés par les armes. On sait aujourd’hui que le colonialisme, l’ignorance et la désinformation n’avaient pas fini de martyriser l’Algérie…
- Jean-Luc Debry, Le soldat françaoui – De Sotteville à Sétif, éditions L’Insomniaque. 98 pages. 10 euros.
Paco, 22 mars 2007
Juin 1944. Rouen agonise sous une pluie de bombes alliées. Les gens sont terrés dans des caves. Les uns prient. Les autres sursautent en pleurant. Des dizaines de familles s’entassent dans des abris antiaériens inondés et malsains pendant des jours et des jours. Dehors, des chapelets de projectiles pulvérisent les rues. Les murs vibrent dangereusement. À la fin de la Semaine rouge, la ville est en partie détruite. Un amoncellement de gravats puant la charogne se consume. Hôpitaux et cimetières sont saturés. Six cents tonnes de bombes tomberont sur Rouen cette année-là.
Notre jeune ami a dix-huit ans quand l’armée allemande quitte la ville. Les escadrilles de la RAF pourchassent l’occupant en déroute. Les convois ennemis sont la proie des flammes. Apocalypse et démesure. Joie inhumaine. Les habitants s’enhardissent et font main basse sur les bottes des cadavres boches pas trop amochés. L’odeur des Allemands grillés vifs flotte dans l’air. Malheur aux vaincus. Les « femmes indignes » sont offertes, le crâne rasé, en pâture à la foule.
Les flirts, le jazz... et le commerce mènent la danse. Tout se vend, vestes, brodequins, pneus, parachutes, avec la bénédiction de l’armée américaine. Grisés par l’absence de scrupule des libérateurs, les voyous deviennent d’excellents entrepreneurs. Au milieu de ce joyeux bordel, un bureau de recrutement s’est ouvert. La guerre n’est pas finie. L’armée française se réorganise et cherche des volontaires. Notre jeune homme entend se libérer de l’étreinte étouffante de sa mère, dire adieu à l’usine, faire chier son père (antimilitariste rescapé de la boucherie de 14-18) et se battre pour une bonne cause. Tout un programme.
« Nous nous étions imaginés assis sur un char Sherman, avec pour objectif la Forêt noire et le nid d’aigle de Berchtesgaden… » Raté. « Les libérateurs remontent vers l’Est tandis que nous descendons vers le Sud. L’Histoire va dans un sens et nous dans l’autre », constate amèrement le bleu. Sales, assoiffés et affamés, les jeunes recrues arrivent à Marseille pour embarquer sur le Sidi-Aïssa, une épave flottante. Direction l’Algérie. Le vieux cargo grince dans le mauvais temps et il n’est pas le seul. Pataugeant sur un tapis gluant de vomissures et de graisse, les soldats s’attendent à couler à tout moment. Puis, la baie d’Alger se dessine à l’horizon.
8 mai 1945. L’Allemagne nazie capitule. Partout on célèbre la victoire de la démocratie. Les drapeaux alliés fleurissent. Le soleil cogne dur. « À Sotteville, il pleut sûrement car il y pleut toujours », marmonne le déraciné. C’est un autre type de pluie qui s’abat sur Sétif. Les croiseurs Dugay-Trouin et Le Triomphant pilonnent la région. On dit que les « ennemis de la France » s’y tapissent. En général, les colons, gens bien aimables avec leur sympathique accent, parlent plutôt de melons et de bicots.
Le patos venu de la grise Normandie goutte aux mille parfums des marchés et à l’exubérance de la végétation. Glycines, jasmins, aubépines, chèvrefeuilles et bougainvilliers le charment et l’étourdissent. Le paradis s’arrête là. Dans la montagne, c’est l’enfer. Au milieu d’une troupe portée sur le concours de pets, le Rouennais contemple les champignons de poussière qui poussent dans le paysage. Des obus pulvérisent des maisons en torchis. « Maintien de l’ordre », assurent les officiers dans les zones de nettoyage. « Légitime défense », renchérissent les Pieds-noirs organisés en milices qui exécutent un père quand le fils est insaisissable, un neveu pour punir l’oncle… Parties de chasse ordinaire. « Les melons se reproduisent comme des lapins », lancent des comiques.
Bateaux, avions, blindés, troupes incendient les maisons, déciment les troupeaux, détruisent les puits, fauchent les corps. Un conseil tombe : « Faut pas que tu raisonnes comme si tu étais à Rouen. Adapte toi au pays... »
17 mai 1945. Le 7ème régiment de tirailleurs algériens débarque en fanfare. Les « indigènes » se sont couverts de gloire en Italie, en Provence et en Alsace. Nombre d’entre eux sont natifs de Sétif. Quelle Algérie les attend ? Leurs familles et leurs voisins ont été mitraillés, violés, brûlés vifs. Le soulèvement de mai 1945 a fait une centaine de victimes européennes dans la région de Sétif. Selon le consul général américain d’Alger, la répression aurait fait pas moins de 45 000 morts chez les indigènes.
Avec un talent littéraire évident, Jean-Luc Debry nous offre un récit qui coupe le souffle. En s’appuyant à la fois sur des recherches historiques et sur les souvenirs de son père, son texte s’apparente presque à un témoignage. Il restitue par ailleurs des moments sanglants longtemps occultés. Le 8 mai 1945, la population musulmane fut en effet autorisée à manifester dans toute l’Algérie pour célébrer la victoire des Alliés contre l’Allemagne nazie.
La liesse dérapa à Sétif quand la police fit feu sur un jeune homme qui brandissait le drapeau indépendantiste algérien. Le nombre d’indigènes tués par la police et les tirailleurs sénégalais ce jour-là ne sera jamais connu. Le poète Kateb Yacine fut témoin de cette barbarie commise un jour où l’on fêtait le retour de la démocratie. La censure militaire étouffa cette fâcheuse coïncidence. À gauche, le PCF accusa les chefs nationalistes d’être des provocateurs à la solde d’Hitler et exigea que les meneurs soient passés par les armes. On sait aujourd’hui que le colonialisme, l’ignorance et la désinformation n’avaient pas fini de martyriser l’Algérie…
- Jean-Luc Debry, Le soldat françaoui – De Sotteville à Sétif, éditions L’Insomniaque. 98 pages. 10 euros.
Paco, 22 mars 2007
L’Algérie, une colonie d’enfer
En 1904, deux anarchistes français, Louise Michel (1830-1905) et Ernest Girault (1871-1933) firent une tournée de conférences en Algérie pour dénoncer les religions, le militarisme, le capitalisme et le colonialisme. Les éditions Libertaires publient Une Colonie d’enfer, un récit de voyage pas ordinaire signé Ernest Girault.
Les historiens ne s’étaient pas encore penchés sur les conférences que Louise Michel donna en Algérie. Dans son étude, Louise Michel en Algérie (publiée par les éditions Libertaires), Clotilde Chauvin a réparé l’oubli. Le livre d’Ernest Girault, Une Colonie d’enfer (jamais réédité depuis sa sortie au printemps 1905), est le complément indispensable pour bien réaliser ce qu’il se passait en Algérie (colonie française depuis 1830) à cette époque.
La militante anarchiste arriva à Alger le 12 octobre 1904. Elle avait soixante-quatorze ans. Si sa santé la tourmentait, Louise Michel avait l’œil et l’esprit bien vifs. Sa parole portait, même au milieu du désert. La tournée se fit en deux temps. Louise et Ernest voyagèrent ensemble d’Alger à Constantine, puis jusqu’à Mascara. Fatiguée, Louise retourna à Alger pendant qu’Ernest continuait seul vers l’extrême sud, aux confins algéro-marocains, pour dénoncer les exactions de l’armée française.
D’octobre à décembre 1904, suivis par quelques amis, Louise et Ernest, s’arrêtèrent dans plusieurs villes (Tizi-Ouzou, Sétif, Blida, Mostaganem, Relizane…). Soutenus sur place par des membres du corps enseignant, des militants libres penseurs et antimilitaristes, les propagandistes débattirent avec des assemblées fortes parfois de quatre cents personnes. Un véritable tour de force dans cet univers hostile aux idées révolutionnaires (quand quelques tourments pointaient, les muscles du camarade Laouer étaient mis à contribution).
Les adhérents des Bourses du travail et des Maisons du Peuple, où se déroulaient certaines causeries, étaient bien sûr aux premières loges. L’auditoire, majoritairement vêtu à l’européenne, comprenait aussi des personnes habillées avec des burnous blancs, des chéchias, des turbans… Elles venaient notamment assister aux débats sur la religion.
Une grande dame manquait hélas à l’appel : Isabelle Eberhardt. Celle que l’on appelait la Séverine musulmane (en référence à Caroline Rémy, dite Séverine, journaliste libertaire) devait accompagner Girault dans le sud-oranais, mais elle perdit la vie lors de l’inondation qui détruisit Aïn-Sefra le 21 octobre 1904.
Nous ne reviendrons pas sur les éléments déjà développés par Clotilde Chauvin dans Louise Michel en Algérie. Lisons plutôt les commentaires d’Ernest Girault. En marge des conférences, il fouille l’Algérie de fond en comble, met son nez partout et produit un carnet de voyage impitoyable. A la manière d’Albert Londres, il plante sa plume dans la plaie. « Les colonisateurs ont porté la torche non pour éclairer, mais pour mettre le feu, écrit-il. On dit : rare comme le loup blanc. On dit mal. Aux colonies, tous les blancs sont loups. »
A son retour en métropole, Girault n’a pas de mots assez durs pour traduire ce qu’il a vu. « On est pris de nausées lorsque l’on quitte l’Algérie. La vieille patrie d’Abd-el-Kader et de Mokrani est devenue le pays de l’infamie et de la honte, non seulement parce que les Français y ont transporté leurs vices et leur barbarie, mais parce qu’aussi l’Italie, Malte et l’Espagne y déversent leurs scories humaines, leur trop plein de fanatiques, de brutes, d’alcooliques et d’ignorants. »
Les pourris de toutes tendances et conditions (officiers, fonctionnaires, commerçants, colons, conservateurs, républicains, francs-maçons, catholiques, juifs, athées…) s’étaient alliés pour mener, avec l’aide du gouvernement et de la presse, une guerre impitoyable contre les indigènes. Une clique de caïds parvenus s’entendait avec l’occupant pour affamer, torturer et opprimer leurs semblables. Corruption, prostitution, intrigues, criminalité gangrenaient le pays. « Et sur ce sol qui pourrait être un paradis terrestre, on n’entend que gémissements et plaintes, on ne rencontre que misère et douleur, on assiste qu’à des brutalités et qu’à des tortures. Il coule, de chaque côté de l’Atlas, assez de pleurs et de sang pour humecter tout le sable du désert », constate l’auteur qui mesure la tâche de celles et ceux qui voulaient remettre un peu de raison dans ce monde qui l’avait totalement perdue.
Le témoignage de Girault est un essai politique, mais il relève également du document ethnosociologique et du guide touristique. Avec un esprit et un vocabulaire bien datés, il décrit les cultures qui composent l’Algérie (sans craindre parfois les généralisations caricaturales), il dépeint les mœurs des uns et des autres. Après quelques détours dans les cafés maures et auberges d’Alger, Girault visite des régions qui lui rappellent le moyen-âge. Les longs trajets en train donnent de belles pages. Des wagons de voyageurs ou de marchandises qu’il emprunte, ses yeux admirent la variété des paysages. La découverte des ksour du Figuig et une course effrayante en loris (un plateau en bois roulant sur les rails du chemin de fer) sont dignes des meilleurs romans d’aventure.
En se rendant dans l’extrême sud, Girault ne sera pas au bout de ses peines. « Tout ce que vous pourrez révéler sur la conquête du sud sera au-dessous de la vérité », lui dira un Français. Le sadisme criminel y prospère en toute impunité. Des faits horribles imputés à des officiers français sont relatés. La loi du sabre… et du goupillon. Un curé lubrique était complice de ces cruautés. Elle est belle la « pénétration pacifique » ! Elle est belle « l’œuvre de d’humanisation » !
« Il y en a qui râlent et crèvent, pendant que d’autres s’enivrent et jouissent. » Les dernières lignes du livre d’Ernest Girault tombent à pic pour clore le sale bec de ceux qui osent encore parler des « aspects positifs » de la colonisation en Algérie.
- Ernest Girault, Une Colonie d’enfer, éditions Libertaires, 242 pages. 15 euros.
Paco, 28 juin 2007
Les historiens ne s’étaient pas encore penchés sur les conférences que Louise Michel donna en Algérie. Dans son étude, Louise Michel en Algérie (publiée par les éditions Libertaires), Clotilde Chauvin a réparé l’oubli. Le livre d’Ernest Girault, Une Colonie d’enfer (jamais réédité depuis sa sortie au printemps 1905), est le complément indispensable pour bien réaliser ce qu’il se passait en Algérie (colonie française depuis 1830) à cette époque.
La militante anarchiste arriva à Alger le 12 octobre 1904. Elle avait soixante-quatorze ans. Si sa santé la tourmentait, Louise Michel avait l’œil et l’esprit bien vifs. Sa parole portait, même au milieu du désert. La tournée se fit en deux temps. Louise et Ernest voyagèrent ensemble d’Alger à Constantine, puis jusqu’à Mascara. Fatiguée, Louise retourna à Alger pendant qu’Ernest continuait seul vers l’extrême sud, aux confins algéro-marocains, pour dénoncer les exactions de l’armée française.
D’octobre à décembre 1904, suivis par quelques amis, Louise et Ernest, s’arrêtèrent dans plusieurs villes (Tizi-Ouzou, Sétif, Blida, Mostaganem, Relizane…). Soutenus sur place par des membres du corps enseignant, des militants libres penseurs et antimilitaristes, les propagandistes débattirent avec des assemblées fortes parfois de quatre cents personnes. Un véritable tour de force dans cet univers hostile aux idées révolutionnaires (quand quelques tourments pointaient, les muscles du camarade Laouer étaient mis à contribution).
Les adhérents des Bourses du travail et des Maisons du Peuple, où se déroulaient certaines causeries, étaient bien sûr aux premières loges. L’auditoire, majoritairement vêtu à l’européenne, comprenait aussi des personnes habillées avec des burnous blancs, des chéchias, des turbans… Elles venaient notamment assister aux débats sur la religion.
Une grande dame manquait hélas à l’appel : Isabelle Eberhardt. Celle que l’on appelait la Séverine musulmane (en référence à Caroline Rémy, dite Séverine, journaliste libertaire) devait accompagner Girault dans le sud-oranais, mais elle perdit la vie lors de l’inondation qui détruisit Aïn-Sefra le 21 octobre 1904.
Nous ne reviendrons pas sur les éléments déjà développés par Clotilde Chauvin dans Louise Michel en Algérie. Lisons plutôt les commentaires d’Ernest Girault. En marge des conférences, il fouille l’Algérie de fond en comble, met son nez partout et produit un carnet de voyage impitoyable. A la manière d’Albert Londres, il plante sa plume dans la plaie. « Les colonisateurs ont porté la torche non pour éclairer, mais pour mettre le feu, écrit-il. On dit : rare comme le loup blanc. On dit mal. Aux colonies, tous les blancs sont loups. »
A son retour en métropole, Girault n’a pas de mots assez durs pour traduire ce qu’il a vu. « On est pris de nausées lorsque l’on quitte l’Algérie. La vieille patrie d’Abd-el-Kader et de Mokrani est devenue le pays de l’infamie et de la honte, non seulement parce que les Français y ont transporté leurs vices et leur barbarie, mais parce qu’aussi l’Italie, Malte et l’Espagne y déversent leurs scories humaines, leur trop plein de fanatiques, de brutes, d’alcooliques et d’ignorants. »
Les pourris de toutes tendances et conditions (officiers, fonctionnaires, commerçants, colons, conservateurs, républicains, francs-maçons, catholiques, juifs, athées…) s’étaient alliés pour mener, avec l’aide du gouvernement et de la presse, une guerre impitoyable contre les indigènes. Une clique de caïds parvenus s’entendait avec l’occupant pour affamer, torturer et opprimer leurs semblables. Corruption, prostitution, intrigues, criminalité gangrenaient le pays. « Et sur ce sol qui pourrait être un paradis terrestre, on n’entend que gémissements et plaintes, on ne rencontre que misère et douleur, on assiste qu’à des brutalités et qu’à des tortures. Il coule, de chaque côté de l’Atlas, assez de pleurs et de sang pour humecter tout le sable du désert », constate l’auteur qui mesure la tâche de celles et ceux qui voulaient remettre un peu de raison dans ce monde qui l’avait totalement perdue.
Le témoignage de Girault est un essai politique, mais il relève également du document ethnosociologique et du guide touristique. Avec un esprit et un vocabulaire bien datés, il décrit les cultures qui composent l’Algérie (sans craindre parfois les généralisations caricaturales), il dépeint les mœurs des uns et des autres. Après quelques détours dans les cafés maures et auberges d’Alger, Girault visite des régions qui lui rappellent le moyen-âge. Les longs trajets en train donnent de belles pages. Des wagons de voyageurs ou de marchandises qu’il emprunte, ses yeux admirent la variété des paysages. La découverte des ksour du Figuig et une course effrayante en loris (un plateau en bois roulant sur les rails du chemin de fer) sont dignes des meilleurs romans d’aventure.
En se rendant dans l’extrême sud, Girault ne sera pas au bout de ses peines. « Tout ce que vous pourrez révéler sur la conquête du sud sera au-dessous de la vérité », lui dira un Français. Le sadisme criminel y prospère en toute impunité. Des faits horribles imputés à des officiers français sont relatés. La loi du sabre… et du goupillon. Un curé lubrique était complice de ces cruautés. Elle est belle la « pénétration pacifique » ! Elle est belle « l’œuvre de d’humanisation » !
« Il y en a qui râlent et crèvent, pendant que d’autres s’enivrent et jouissent. » Les dernières lignes du livre d’Ernest Girault tombent à pic pour clore le sale bec de ceux qui osent encore parler des « aspects positifs » de la colonisation en Algérie.
- Ernest Girault, Une Colonie d’enfer, éditions Libertaires, 242 pages. 15 euros.
Paco, 28 juin 2007
Louise Michel en Algérie
Curieusement, les historiens n’ont jamais étudié la tournée de conférences que Louise Michel donna, fin 1904, en Algérie. Le livre de Clotilde Chauvin, publié par les éditions Libertaires, répare cet oubli.
« J’appartiens toute entière à la révolution », disait Louise Michel, celle qui incarne presque à elle seule la Commune de Paris. Après l’écrasement de la Commune (20 000 morts chez les insurgés, 10 000 peines prononcées par des tribunaux spéciaux), Louise fut condamnée à dix ans de déportation. « Si vous n’êtes pas des lâches, tuez-moi ! » cria-t-elle à la cour à la fin de son procès. Finalement, elle embarquera sur la Virginie, en août 1873, et arrivera, quatre mois plus tard, en Nouvelle-Calédonie.
Au bagne, Louise rencontra des Canaques et étudia leurs langues. Une sympathie qui la conduisit à soutenir leur révolte, en 1878. Viscéralement anticolonialiste (ce qui n’était pas si courant à l’époque, y compris chez les Communards), Louise l’insoumise lia également des amitiés solides avec des rebelles kabyles déportés après leur insurrection de mars 1871.
Dans ses mémoires, elle raconte l’arrivée des « Arabes » à la presqu’île de Ducos, en décembre 1873. « Un matin, dans les premiers temps de la déportation, nous vîmes arriver dans leurs grands burnous blancs, des Arabes déportés pour s’être, eux aussi, soulevés contre l’oppression. Ces orientaux, emprisonnés loin de leurs tentes et de leurs troupeaux, étaient simples et bons et d’une grande justice. » Elle apprécia tant la compagnie de ces « Algériens du Pacifique » qu’elle leur promit d’aller un jour leur rendre visite. Louise est de ces personnes qui tiennent leurs promesses.
Une grave congestion pulmonaire entrava ses projets au printemps 1904, mais, d’octobre à décembre de la même année, Louise pu parcourir l’Algérie en compagnie du camarade Ernest Girault. Elle avait soixante-quatorze ans. La vieille dame alerte, véritable légende vivante, était attendue. Les journaux algériens avaient annoncé la venue de la « Vierge rouge ». Les conférenciers propagandistes, anarchistes en plus, étaient rares en Algérie. L’événement méritait donc d’être suivi. « Chacun sait que Louise Michel est la meilleure et la plus généreuse des créatures », s’emporta Turco-Revue le 9 avril 1904.
Les thèmes des conférences n’avaient rien de consensuel. Antimilitarisme, athéisme, anticolonialisme, anarchisme étaient au centre des causeries qui se dérouleront à Alger, à Tizi-Ouzou, à Constantine, à Blida, à Relizane, à Mostaganem, à Mascara, à Médéa. L’éloquence incontestable de Louise est souvent saluée. Alors que la presse de métropole restait muette sur la tournée (hormis Le Libertaire), la presse algérienne (La Croix de l’Algérie et de la Tunisie, La Pensée libre, Le Progrès de Sétif, Le Petit Kabyle, L’Echo de Constantine, L’Indépendant de Mostaganem, Le Réveil de Mascara…) commentait les réunions qui attiraient entre 400 à 600 personnes. Les enseignants européens et arabes, esprits laïques, antimilitaristes et progressistes, étaient aux premiers rangs. Louise croisa aussi des personnages pittoresques, un commandant révolutionnaire qui cria « Vive Zola, vive la révolution ! » à Constantine, un gardien de prison sanctionné pour avoir « fait de la propagande aux prisonniers », un patron d’hôtel maltais libre penseur…
Quelques incidents émaillèrent tout de même le long périple. A Tizi-Ouzou, Louise et Ernest eurent droit à une « protection rapprochée ». Un commissaire « bon enfant » s’était aperçu qu’un juge avait soudoyé des Apaches pour les assommer. Il avait donc mobilisé des agents de ville pour assurer leur sécurité ! A Sétif, pendant une conférence, Ernest sentit qu’on lui piquait le dos. En se tournant, il remarqua de larges trous de couteau dans la bâche tendue dans la halle à grains. Plus tard, des individus tentèrent d’incendier la tribune. Des broutilles pour celle qui avait connu les barricades meurtrières de la Commune et même une tentative d’assassinat (lors du meeting tenu au Havre le 22 janvier 1888).
Néanmoins, le voyage algérien était éprouvant pour la libertaire épuisée. Sous une pluie battante, le long trajet en diligence vers Mascara, dernière ville du programme, fut bien pénible. « Les vitres de la portière étaient brisées et c’est comme si nous avions été en pleine route. Nous arrivâmes tout mouillés avec les mains et les pieds gelés », raconte Ernest Girault dans Une Colonie d’enfer, livre oublié qui sert de fil conducteur à l’étude de Clotilde Chauvin et qui a été réédité par les éditions Libertaires.
Fatiguée, Louise Michel retourna se reposer à Alger pendant qu’Ernest Girault continuait seul vers la frontière algéro-marocaine. C’est Mathilde de Fleurville, ex-femme de Paul Verlaine rencontrée jadis à Montmartre, qui veilla au repos de Louise pendant trois semaines. Dorlotée par son amie, celle que Victor Hugo appelait Viro Major (plus grande qu’un homme, en latin) écrira ses mémoires entre deux fruits savoureux. Louise Michel quittera l’Algérie le 15 décembre 1904. Mathilde écrit dans ses mémoires : « J’allai sur le bateau embrasser une dernière fois cette excellente femme. Hélas, je ne devais plus la revoir. Environ trois semaines après son départ d’Alger, j’eus le chagrin d’apprendre sa mort par les journaux, qui, pour la première fois, lui rendirent justice. »
Celle qui défendit l’anarchisme jusqu’à son dernier souffle, celle qui fut la première à brandir un drapeau noir dans une manif est décédée à Marseille le 9 janvier 1905. Ses obsèques au cimetière de Levallois-Perret furent suivies par une foule impressionnante. Ces derniers moments sont bien connus. Comment expliquer alors le silence sur les conférences algériennes qui précédèrent ? Le travail de Clotilde Chauvin ouvre brillamment la voie à des recherches nouvelles. Si l’auteur a déjà bien remué la poussière (vieux journaux, rapports de police, publications diverses...), d’autres archives, notamment algériennes, doivent attendre que des historiens veuillent bien les ouvrir.
- Clotilde Chauvin, Louise Michel en Algérie – La tournée de conférences de Louise Michel et Ernest Girault en Algérie (octobre-décembre 1904), éditions Libertaires, 162 pages. 15 euros.
Commandes et infos sur editionslibertaires@wanadoo.fr
Paco, 22 mai 2007
« J’appartiens toute entière à la révolution », disait Louise Michel, celle qui incarne presque à elle seule la Commune de Paris. Après l’écrasement de la Commune (20 000 morts chez les insurgés, 10 000 peines prononcées par des tribunaux spéciaux), Louise fut condamnée à dix ans de déportation. « Si vous n’êtes pas des lâches, tuez-moi ! » cria-t-elle à la cour à la fin de son procès. Finalement, elle embarquera sur la Virginie, en août 1873, et arrivera, quatre mois plus tard, en Nouvelle-Calédonie.
Au bagne, Louise rencontra des Canaques et étudia leurs langues. Une sympathie qui la conduisit à soutenir leur révolte, en 1878. Viscéralement anticolonialiste (ce qui n’était pas si courant à l’époque, y compris chez les Communards), Louise l’insoumise lia également des amitiés solides avec des rebelles kabyles déportés après leur insurrection de mars 1871.
Dans ses mémoires, elle raconte l’arrivée des « Arabes » à la presqu’île de Ducos, en décembre 1873. « Un matin, dans les premiers temps de la déportation, nous vîmes arriver dans leurs grands burnous blancs, des Arabes déportés pour s’être, eux aussi, soulevés contre l’oppression. Ces orientaux, emprisonnés loin de leurs tentes et de leurs troupeaux, étaient simples et bons et d’une grande justice. » Elle apprécia tant la compagnie de ces « Algériens du Pacifique » qu’elle leur promit d’aller un jour leur rendre visite. Louise est de ces personnes qui tiennent leurs promesses.
Une grave congestion pulmonaire entrava ses projets au printemps 1904, mais, d’octobre à décembre de la même année, Louise pu parcourir l’Algérie en compagnie du camarade Ernest Girault. Elle avait soixante-quatorze ans. La vieille dame alerte, véritable légende vivante, était attendue. Les journaux algériens avaient annoncé la venue de la « Vierge rouge ». Les conférenciers propagandistes, anarchistes en plus, étaient rares en Algérie. L’événement méritait donc d’être suivi. « Chacun sait que Louise Michel est la meilleure et la plus généreuse des créatures », s’emporta Turco-Revue le 9 avril 1904.
Les thèmes des conférences n’avaient rien de consensuel. Antimilitarisme, athéisme, anticolonialisme, anarchisme étaient au centre des causeries qui se dérouleront à Alger, à Tizi-Ouzou, à Constantine, à Blida, à Relizane, à Mostaganem, à Mascara, à Médéa. L’éloquence incontestable de Louise est souvent saluée. Alors que la presse de métropole restait muette sur la tournée (hormis Le Libertaire), la presse algérienne (La Croix de l’Algérie et de la Tunisie, La Pensée libre, Le Progrès de Sétif, Le Petit Kabyle, L’Echo de Constantine, L’Indépendant de Mostaganem, Le Réveil de Mascara…) commentait les réunions qui attiraient entre 400 à 600 personnes. Les enseignants européens et arabes, esprits laïques, antimilitaristes et progressistes, étaient aux premiers rangs. Louise croisa aussi des personnages pittoresques, un commandant révolutionnaire qui cria « Vive Zola, vive la révolution ! » à Constantine, un gardien de prison sanctionné pour avoir « fait de la propagande aux prisonniers », un patron d’hôtel maltais libre penseur…
Quelques incidents émaillèrent tout de même le long périple. A Tizi-Ouzou, Louise et Ernest eurent droit à une « protection rapprochée ». Un commissaire « bon enfant » s’était aperçu qu’un juge avait soudoyé des Apaches pour les assommer. Il avait donc mobilisé des agents de ville pour assurer leur sécurité ! A Sétif, pendant une conférence, Ernest sentit qu’on lui piquait le dos. En se tournant, il remarqua de larges trous de couteau dans la bâche tendue dans la halle à grains. Plus tard, des individus tentèrent d’incendier la tribune. Des broutilles pour celle qui avait connu les barricades meurtrières de la Commune et même une tentative d’assassinat (lors du meeting tenu au Havre le 22 janvier 1888).
Néanmoins, le voyage algérien était éprouvant pour la libertaire épuisée. Sous une pluie battante, le long trajet en diligence vers Mascara, dernière ville du programme, fut bien pénible. « Les vitres de la portière étaient brisées et c’est comme si nous avions été en pleine route. Nous arrivâmes tout mouillés avec les mains et les pieds gelés », raconte Ernest Girault dans Une Colonie d’enfer, livre oublié qui sert de fil conducteur à l’étude de Clotilde Chauvin et qui a été réédité par les éditions Libertaires.
Fatiguée, Louise Michel retourna se reposer à Alger pendant qu’Ernest Girault continuait seul vers la frontière algéro-marocaine. C’est Mathilde de Fleurville, ex-femme de Paul Verlaine rencontrée jadis à Montmartre, qui veilla au repos de Louise pendant trois semaines. Dorlotée par son amie, celle que Victor Hugo appelait Viro Major (plus grande qu’un homme, en latin) écrira ses mémoires entre deux fruits savoureux. Louise Michel quittera l’Algérie le 15 décembre 1904. Mathilde écrit dans ses mémoires : « J’allai sur le bateau embrasser une dernière fois cette excellente femme. Hélas, je ne devais plus la revoir. Environ trois semaines après son départ d’Alger, j’eus le chagrin d’apprendre sa mort par les journaux, qui, pour la première fois, lui rendirent justice. »
Celle qui défendit l’anarchisme jusqu’à son dernier souffle, celle qui fut la première à brandir un drapeau noir dans une manif est décédée à Marseille le 9 janvier 1905. Ses obsèques au cimetière de Levallois-Perret furent suivies par une foule impressionnante. Ces derniers moments sont bien connus. Comment expliquer alors le silence sur les conférences algériennes qui précédèrent ? Le travail de Clotilde Chauvin ouvre brillamment la voie à des recherches nouvelles. Si l’auteur a déjà bien remué la poussière (vieux journaux, rapports de police, publications diverses...), d’autres archives, notamment algériennes, doivent attendre que des historiens veuillent bien les ouvrir.
- Clotilde Chauvin, Louise Michel en Algérie – La tournée de conférences de Louise Michel et Ernest Girault en Algérie (octobre-décembre 1904), éditions Libertaires, 162 pages. 15 euros.
Commandes et infos sur editionslibertaires@wanadoo.fr
Paco, 22 mai 2007
mardi 4 mars 2008
Carte d'Identité : Français / Algérien
E-terview avec Jacky Mallea, pied-noir de Guelma, militant anti-colonialiste.
1/ Quelle est l'origine de votre arrivée en Algérie ? A quelle époque date l'installation de votre famille en Algérie ?
Ma famille est arrivée de Malte dans les années 1840.
2/ Quels étaient vos liens avec les Algériens lorsque vous étiez enfant puis adulte ?
J'ai toujours eu de bons rapports avec eux. Mon père travaillait avec des Algériens.
3/ Quelles ont été les conditions de travail de votre famille en Algérie ?
Mon père était artisan boucher. Ma mère faisait du repassage chez d'autres pieds noirs plus riches.
4/ 5 mots commençant par la première lettre de votre prénom ?
Justice - Jeux - Joute - Joue - Jardin
5) Faîtes moi part d'un de vos souvenirs d'Algérie ?
Nos sorties pique nique dans la nature au bord des rivières, en famille.
6/ L'indépendance était-elle inévitable ?
Absolument !
7/ Que pensez-vous des gros propriétaires terriens "colons" français ?
Tout en participant à l'économie du pays, ils ont quand même exploité une main d'oeuvre pas chère.
8/ Quels sont vos sentiments à propos de l'OAS ?
Ces personnes, considérées par beaucoup comme des héros, ont été la cause de la cassure définitive avec les Algériens. Etant à la solde de certains GROS, ils ont contribué à l'éxode des pieds noirs.
9/ Que pensez-vous de De Gaulle ?
Je me suis toujours posé la question suivante : Quand il a prononcé la célèbre phrase "Je vous ai compris" A qui s'est-il adressé ??? Je pense que dés 1958, il savait que l'Indépendance serait inévitable.
10/ Cinq mots pour définir votre Algérie ?
Senteurs - Chaleur - Beauté - Mélange - Parfums
11/ Qu'est-ce qu'une personne déracinée selon vous ?
C'est quelqu'un qui a été arraché à une terre à qui il tenait beaucoup.
12/ Que pensez-vous du FLN ?
Des combattants.
13/ Que pensez-vous des français de métropole lors de la guerre d'Algérie ?
Intoxiqués par les médias, ils pensaient que leurs enfants défendaient les intérêts de TOUS les pieds noirs.
14/ Faîtes moi part de vos conditions d'arrivée en métropole ?
J'avais un billet d'avion pour Toulouse, l'avion a atterri à Marseille. Là aussi c'était un plan du gouvernement Français. Pendant les premiers mois, j'ai subit le racisme. Mais les Français n'étaient pas fautifs, ils étaient conditionnés.
15/ Lors de cette arrivée par quoi avez-vous été vous le plus surpris ?
Par l'idée que se faisait de nous le Français.
16/ Quelles ont été vos déceptions ? Quelles étaient vos aspirations lors de l'arrivée en métropole ?
D'être considéré comme un étranger. Je désirais trouver du travail et fonder une famille, la mienne ayant été éclatée.
17 / Avez vous un message à faire passer aux Algériens ?
Comme moi, ils ont souffert de notre séparation. Je veux qu'ils sachent qu'en France, il y a BEAUCOUP de pieds noirs qui pensent à eux. Beaucoup d'humanistes qui suivent avec attention l'évolution de l'Algérie. Ceux qui pensent autrement, n'aiment pas l'Algérie. Ils s'aimaient EUX en Algérie.
18/ La France (la métropole) est-elle après toutes ces années votre pays ? Expliquez pourquoi ?
Par force la France est devenue ma patrie. Mais mes ancêtres n'ont jamais été les Gaulois. J'aurai aimé pouvoir porter sur ma carte d'Identité : Français / Algérien.
19/ Qu'est-ce que l'intégration selon vous ? Les Pieds Noirs ont-ils été intégrés ? S'il y a eu intégration ou s'il n'y a pas eu intégration, quelles en sont les raisons selon vous ?
Il aurait fallu que les P.N. comprennent très vite que l'Algérie c'était du passé et qu'il fallait penser à l'avenir. Je suis scandalisé quand j'entends en 2008 certains dire : On ne nous a jamais acceptés. Moi je n'ai jamais eu de problème. J'ai fait mille choses en France. J'ai eu à commander des personnels, j'ai présidé des associations, aujourd'hui je mets en scène des comédiens.
Contrairement à certains de mes compatriotes, j'ai de suite pris comme attitude "Mes poings dans mes poches" En tant que P.N. je ne me sentais pas plus fort que les autres. J'ai essayé de comprendre le comportement de ceux qui sont devenus par la force des choses, mes nouveaux compatriotes. Accepté par eux, je le suis moins de mes anciens compatriotes, seulement parce que je ne pense pas comme eux.
45 ans après, je ne comprends pas qu'ils en soient toujours au même point. Ils n'ont pas évolué d'un iota.
20/ Par quoi avez-vous envie de terminer votre E-terview ?
Depuis mon arrivée en France en 1962, au fil des années et de mes voyages en Algérie, j'ai pu mesurer la chance que j'ai de pouvoir retrouver mes amis, leurs enfants, les coins de mon enfance. Je peux ainsi me rendre compte des changements, même si tout n'est pas parfait.
Les premiers temps quand je me retrouvais dans ma ville natale, je disais "Je suis né ici". Aujourd'hui, grâce à l'accueil qui m'est réservé, je dit "Je suis d'ici". Par contre j'ai une pensée pour tous ces P.N. qui se sont forcés depuis 1962 à entretenir leurs rancoeurs et qui se sont INTERDIT d'y retourner. Dommage, car l'Algérie qu'ils regrettent était avec les Algériens.
Vincent Bouba, 4 mars 2008
Inscription à :
Articles (Atom)