jeudi 18 décembre 2008

Mario Ferrisi



1/ Quelle est l'origine de votre arrivée en Algérie ? A quelle époque date l'installation de votre famille en Algérie ?


- Venant de Tunisie, mes parents sont arrivés en Algérie en 1946. Nous sommes d'origine italienne (région dAgrigente Sicile)

2/ Quels étaient vos liens avec les Algériens lorsque vous étiez enfant puis adulte ?

- Nous habitions à Maison-Carrée (10 kms dAlger). Plus précisément à la frontière entre les quartiers musulmans et la ville elle-même. Par conséquent, j'ai vécu toute mon enfance et mon adolescence auprès de mes camarades arabes. Nos rapports étaient excellents. Je les ai tous revus lors de mon dernier voyage en Algérie. Nous avons été reçus comme des frères, chez l'habitant. Nous continuons d'ailleurs à correspondre.

3/ Quelles ont été les conditions de travail de votre famille en Algérie ?

- Nous étions des « français moyens ». Mon père était contremaître dans une usine de produits chimiques (la SAPCE) où il jouissait dune grande estime auprès de ses collaborateurs algériens, avec lesquels il entretenait d'excellents rapports.

4/ Cinq mots commençant par la première lettre de votre prénom ?

- Méditerranée Maghreb Manuscrit Méditation Molière

5) Faîtes moi part d'un de vos souvenirs d'Algérie ?

- Des milliers de souvenirs heureux et malheureux. Un de ceux-là : nos WE et les grandes vacances épiques passées en bord de mer, au « Bateau-Cassé » près de Fort de l'Eau.

6/ Lindépendance était-elle inévitable ?

- Avec du recul, oui. Mais à cette époque, comme la majorité des jeunes PN, je rêvais dune Algérie française fraternelle. Ce n'était malheureusement qu'un rêve.

7/ Que pensez-vous des gros propriétaires terriens "colons" français ?

- Là je suis mitigé. Certes ils ont contribué à faire prospérer le pays, mais à quel prix. Ils sont responsables de beaucoup d'injustice. Et puis, ils n'ont eu aucun mal à transférer leur fortune dans l'hexagone, bien avant l'indépendance d'ailleurs. Ce ne fut évidemment pas le cas des 90 % de la population européenne restante (essentiellement ouvriers, employés, cadres).

8/ Quels sont vos sentiments à propos de lOAS ?

- Un des buts de lOAS était de retrouver la fraternité du 13 mai 58 et de défendre le mythe « Algérie française » Par la suite, elle devint féroce et aveugle, ensanglantant de façon dramatique la fin de la guerre. Elle précipita le départ des français.

Bilan des massacres de CIVILS, égorgements, etc... des deux camps :
L'OAS a tué environ 2000 personnes civiles
Le FLN a tué 5463 civils (2788 européens + 2675 disparus)
Le FLN a tué 29674 civils (16378 français musulmans + 13296 disparus)
Le FLN a massacré après le cessez le feu entre 15000 et 100000 Harkis désarmés
(chiffres officiels confirmés sur Wikipedia)

9/ Que pensez-vous de De Gaulle ?

- Opinion mitigée : durant « la période des mensonges » 58/62, des centaines d'hommes et de femmes sont morts alors que la guerre était militairement gagnée et quil savait que l'Algérie allait être offerte sur un plateau. Après l'indépendance, résolument tourné vers l'Europe et le monde, il s'est avéré être l'un des meilleurs hommes détat que la France ait jamais eu.

10/ Cinq mots pour définir votre Algérie ?

- Mon Algérie : Beauté Richesse Soleil Fraternité - Concorde

Je citerais aussi la déclaration de juin 2005, d'Hocine Aït Ahmed, dirigeant historique de l'insurrection FLN en 1954, à laquelle je souscris pleinement :

« Les cultures juive et chrétienne se trouvaient en Afrique du Nord bien avant les arabo-musulmans, eux aussi colonisateurs, aujourd'hui égémonistes ».
« Avec les Pieds-noirs et leur dynamisme je dis bien les Pieds-Noirs et non les Français l'Algérie serait aujourd'hui une grande puissance africaine, méditerranéenne. »

11/ Quest-ce quune personne déracinée selon vous ?

- C'est quelqu'un qui ne s'intègre pas dans une société.

12/ Que pensez-vous du FLN ?

- Il est demeuré, avant et après 1962, un parti totalitaire et sanguinaire. Les actualités récentes le confirment tristement.

13/ Que pensez-vous des français de métropole lors de la guerre dAlgérie ?

- A cette époque, hormis de son pétrole et de ses ressources naturelles, la majorité des français de métropole se fichait complètement de l'Algérie et de ses habitants.

14/ Faîtes moi part de vos conditions d'arrivée en métropole ?

- Elles ont été correctes, sans plus. Le premier souci de ma famille : trouver un emploi et un gîte.

15/ Lors de cette arrivée par quoi avez-vous été vous le plus surpris ?

- Le froid du climat, le froid des curs, la lourdeur des consciences.

16/ Quelles ont été vos déceptions ? Quelles étaient vos aspirations lors de larrivée en métropole ?

- Se reconstruire sans l'aide de quiconque.

17 / Avez vous un message à faire passer aux Algériens ?

- Quil ne sert à rien de tenter de refaire cette guerre après un demi-siècle. Que jai toujours aimé les peuples arabe et kabyle, avant et après 1962. Cest pour cela que je nai jamais eu de sang sur les mains. Ils restent mes frères. J'aurais tant aimé rester là-bas. L'Algérie est si magnifique.

18/ La France (la métropole) est-elle après toutes ces années votre pays ? Expliquez pourquoi ?

- Je suis un fils dimmigré. La France est, par défaut, ma nouvelle terre d'accueil, puisque mes racines et mon coeur sont restés au Maghreb.

19/ Quest-ce que l'intégration selon vous ? Les Pieds Noirs ont-ils été intégrés ? Sil y a eu intégration ou sil ny a pas eu intégration, quelles en sont les raisons selon vous ?

- L'intégration sest faite naturellement, puisque Européen. Cest plus difficile pour les gens de couleur et les Maghrébins. A présent, cest un fait, nous vivons dans une société multiraciale et cela ne me dérange pas outre mesure. Seul hic : la montée des intégrismes et du communautarisme. Je crois que nous devons demeurer vigilants.

20/ Par quoi avez-vous envie de terminer votre E-terview ?

- Je terminerais par un souhait concernant les médias en général. Qu'ils ne succombent pas au phénomène de mode qui consiste à s'associer systématiquement aux sirènes de la repentance à sens unique, dautant que la plupart du temps ils ne connaissent rien de l'Histoire avec un grand H. Les guerres sont des cataclysmes avec leur cortège d'horreurs et ceux quil faut condamner ce sont les hommes politiques qui les déclenchent et qui les alimentent. Ce sont toujours les peuples qui souffrent et qui paient leur lourd tribut. Dans ce cas précis, cest ce grand peuple dAlgérie, les Juifs, les Kabyles, les Arabes et les Pieds-noirs, si affreusement torturé, si honteusement manipulé.

Site officiel de Mario Ferrisi, écrivain - romancier

18 décembre 2008

1 commentaire:

FERRISI a dit…

Je considère également que le peuple paie le lourd tribun des dérives et des indécisions politiques faisant le lit au nationalisme et au communautarisme des genres.
l'Algérie est aux algériens et aujourd'hui,la plupart des jeunes se réclament de la double culture franco-algérienne.
Pour preuve : ce film documentaire en DVD "Portraits croisés que vous trouverez sur Seafilms Productions.