jeudi 31 décembre 2009

Aminatou Haidar hospitalisée, la solidarité doit s’amplifier...

Suite à son expulsion du Sahara occidental par les autorités marocaines, Aminatou Haidar a entamé une grève de la faim illimitée le 15 novembre dans l’aéroport de Lanzarote (Canaries). La courageuse militante a été hospitalisée ce matin. La solidarité internationale doit s’amplifier.

Le 13 novembre, celle qu’on appelle la Gandhi Sahraouie revenait des États-Unis (où elle a reçu le prix du Courage Civil pour la lutte non-violente qu’elle mène en faveur du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui) quand les autorités marocaines l’ont expulsée du Sahara Occidental.

Depuis le 15 novembre, elle mène une grève de la faim illimitée avec une seule idée en tête : « Je rentrerai chez moi vivante ou morte ». Plus d’un mois après le début de cette action extrême, la détermination de la militante sahraouie inspire le respect et inquiète ses proches. Aminatou Haidar ne buvait jusqu’alors que de l’eau sucrée et refusait toute aide médicale. Ce matin, après avoir vomi du sang, elle a été hospitalisée. En Espagne, en Italie, en France et un peu partout dans le monde, la solidarité s’amplifie pour éviter un drame.

« La communauté internationale ne doit pas laisser Aminatou Haidar seule dans son combat », a affirmé Jean-Paul Lecoq, député-maire communiste de Gonfreville l’Orcher (Seine-Maritime) lors de la Conférence internationale des villes jumelées et solidaires avec les villes du Sahara occidental qui s’est tenue à Alger, du 11 au 13 décembre. « Nous ne pouvons pas laisser Aminatou Haidar, qui est en danger de mort, seule dans sa grève. Elle mène ce combat au nom de tout un peuple. Pour la soutenir, il faut que les mairies mettent des affiches d’Aminatou Haidar de la même façon que certaines mairies affichent les photos de Gilad Shalit ou de Salah Hamouri. »

De retour en France, Jean-Paul Lecoq a interpellé Bernard Kouchner à l’Assemblée nationale lors de la séance qui se tenait le 16 décembre. « Monsieur le ministre des Affaires étrangères, je vais utiliser les trente secondes qui me restent pour saluer le courage d’une grande dame aujourd'hui déportée, dont le seul crime est d'avoir respecté les résolutions des Nations unies en indiquant le nom de son pays sur sa carte de débarquement alors qu'elle rentrait des États-Unis où elle a reçu un prix récompensant son combat pacifique pour le respect du droit international. Elle s'appelle Aminatou Haidar et son pays, le Sahara occidental, est actuellement occupé par le Maroc. Allez-vous la laisser mourir de sa grève de la faim à l’aéroport de Lanzarote ? »

L’intervention, lancée au cœur d’un débat déjà houleux sur la situation en Afghanistan, a essuyé diverses « exclamations » sur les bancs du groupe UMP. Éric Raoult déclara ces propos hors sujet et scandaleux... « Le défenseur du concept d'ingérence humanitaire que vous êtes ne se doit-il pas d’intervenir ?, lui répliqua Jean-Paul Lecoq. Pour construire la paix en Afghanistan et ailleurs, il importe que la communauté internationale soit crédible. Aussi faut-il d'urgence cesser l'application à deux vitesses des résolutions des Nations unies, que ce soit pour les Palestiniens ou les Sahraouis. La France est grande dans le monde, non lorsqu’elle fournit des militaires, mais lorsqu'elle a le courage politique de défendre ses valeurs fondamentales. » Curieusement, les paroles de Jean-Paul Lecoq sur Aminatou Haidar n’ont pas capté l’attention des médias français, alliés fidèles de « notre ami le roi ».

Pour soutenir l’action d’Aminatou Haidar, des villes commencent à afficher des portraits géants de la Pasionaria sahraouie. À Naples, une immense bâche couvre la façade de l’Hôtel de Ville. La ville de Gonfreville l’Orcher a installé un grand poster dans un planimètre proche de son espace culturel. D’autres villes (Rezé, Le Mans, Bègles...) l’imitent. Par tous les moyens, il est important de briser le silence et d’agir pour qu’Aminatou Haidar retrouve, vivante, les siens au Sahara Occidental.

Informations sur la campagne de solidarité auprès de l’association des Amis de la République Arabe Sahraouie Démocratique (AARASD) en écrivant à bur.aarasd@wanadoo.fr

Paco, 17 décembre 2009

_____________________________________

Après 32 jours de grève de la faim, le Maroc, sous une forte pression internationale, a laissé Aminatou Haidar, défenseure Sahraouie des Droits de l’Homme, rentrer le 18 décembre à El Aaiun, au Sahara Occidental. Depuis, elle est assignée à résidence, dans un quartier quadrillé par la police marocaine où toute visite (même de la presse internationale) lui est interdite.

Camus, une passion algérienne

De Bône où il naquit, à Oran, ville-symbole de La Peste, d’Alger à Tipasa, qu’il chanta dans Les Noces, Camus a tracé, de livre en livre, de combat en combat, un itinéraire algérien. Cinquante ans après sa mort, Stéphane Babey a mis ses pas dans ceux de Camus, non point à sa recherche, mais à sa rencontre, tellement il se sent proche de lui, par son oeuvre comme par son ascendance algéroise. Livre de ferveur, livre de gratitude, CAMUS, une passion algérienne illustre ce mot de l’auteur du Mythe de Sisyphe : « Les hommes se jugent aux fidélités qu’ils suscitent. »

Stéphane Babey est journaliste et a publié plusieurs romans dont "L’Inconnu d’Alger".

Stéphane Babey, L'Algérie de Camus, éditions Nouveaux Loisirs, 2010

samedi 26 décembre 2009

Les Pieds-Noirs et la Politique

Rencontre Cevipof (Centre de Recherches Politiques de Sciences Po), Jeudi 7 janvier 2010 de 17h00 à 19h00.

Débat autour de l’ouvrage d’Emmanuelle Comtat, Les Pieds-Noirs et la Politique.

Avec Emmanuelle Comtat, chercheuse associée, IEP de Grenoble, Benjamin Stora, professeur des Universités, Paris XIII et Daniel Lefeuvre, professeur d’histoire économique et sociale, Paris VIII. Pascal Perrineau, directeur du Cevipof, animera le débat.

Cevipof – salle G. Lavau – 98, rue de l’Université – Paris 7e
Inscription obligatoire : marcelle.bourbier@sciences-po.fr

Une histoire de l'Algérie coloniale

Lorsque les Français débarquent à Sidi-Ferruch, en 1830, ils sont loin de se douter que cette terre inconnue à l'assaut de laquelle ils s'élancent va soulever des tourbillons de passions et devenir, 130 ans durant, l'un des enjeux majeurs de la politique nationale. Et d'abord, que faire d'un pays conquis sur un coup de tête et de dés ? D'un pays où, jusqu'en 1850, la maladie et les guerres dévorent des milliers d'hommes ? Il faut attendre 1870 pour que la formule " l'Algérie c'est la France " s'impose avec force. Les passions françaises y trouvent dès lors un écho exacerbé. Les Français y seront plus français que ceux de métropole, plus patriotes, plus généreux de leur sang ou, le cas échéant, plus antisémites qu'eux. Quant aux Arabo-Berbères, ils ont longtemps attendu, dans un silence brisé par des révoltes sporadiques. On les considérait comme de " grands enfants " assoupis, dominés par le fatalisme et incapables de " s'en sortir " à l'écart de la " mission civilisatrice " de la France. En 1954, le réveil n'en sera que plus brutal. Mais dès 1940, l'Algérie française est morte. Un pays vaincu ne peut plus être une puissance coloniale dans un monde balayé par un mouvement général d'émancipation. Pierre Darmon a croisé les sources, multiplié les points de vue, allié l'analyse de fond économique et sociale au déroulement des événements et au récit des hommes et de la vie quotidienne avec ses bruits, ses couleurs et son atmosphère si particulière. Au fil des pages se dessinent ainsi tous les aspects d'une Algérie ardente et violente, injuste et séduisante, déchirée par les passions mais porteuse d'espérance, de mythes et d'amour.

Ancien directeur de recherche au Centre Roland Mousnier (Paris-IV) et docteur ès lettres, Pierre Darmon, né à Oran, est spécialiste d'histoire de la médecine. Il est l'auteur d'ouvrages sur la variole, le cancer, les maladies épidémiques, la médecine légale et le milieu médical de la Belle Epoque. On lui doit aussi plusieurs romans et récits (Gabrielle Perreau femme adultère, La Malle à Gouffé, La Rumeur de Rodez, Landru...)

Pierre Darmon, Un siècle de passions algériennes : Une histoire de l'Algérie coloniale (1830-1940) , Fayard, 2009

mardi 22 décembre 2009

La France en guerre


Cerner au plus près le vécu de la guerre d'indépendance algérienne en métropole, voici l'objet de cet ouvrage. Par des événements touchant leurs familles, leurs activités professionnelles, culturelles, militantes ou citoyennes, comment ceux qui habitaient en métropole, Français et migrants venus d'Algérie, ont-ils vécu et connu cette guerre? Quelles ont été les manifestations du conflit sur le terrain métropolitain? Quelles en ont été les répercussions locales? Le rôle de l'espace métropolitain, jusque-là peu présent dans la recherche, mérite en effet d'être réévalué, sans se limiter à l'image d'une base arrière du nationalisme algérien, siège d'une intense bataille de l'écrit. Surtout, le regard, trop souvent limité à Paris et sa région, doit être déplacé vers l'ensemble du pays.
Délaissant une analyse des décisions politiques parisiennes ou une démarche de synthèse à l'échelle nationale, l'ambition est de donner à voir les expériences de la guerre au quotidien, dans leur diversité. Fondées principalement sur les archives départementales, les contributions rassemblées ici dessinent une nouvelle histoire de la guerre d'indépendance algérienne, ouvrant ainsi des perspectives renouvelées à la recherche. Comprendre comment les habitants de métropole vécurent la guerre, c'est aussi saisir la place que ces événements eurent dans leurs vies, et ensuite, peut-être, dans leurs mémoires.

Raphaëlle Branche, Sylvie Thénault, Marie-Claude Albert, Linda Amiri, La France en guerre 1954-1962 - Expériences métropolitaines de la guerre d'indépendance algérienne, Editions Autrement, 2008

Un siècle d'images (1850-1950)


Les rapports de l'imaginaire français avec l'Algérie coloniale ont souvent été affaire de représentation et de regard. Tableaux, gravures, photographies, caricatures, cartes postales, récits de voyage - divers dans leur forme comme dans leurs intentions - se sont multipliés. Ce regard a évolué avec le temps : d'un orientalisme romantique à la description minutieuse, parfois ambiguë, voire méprisante, de la vie quotidienne, les documents présentés couvrent une histoire mouvementée qui commence plus d'un siècle avant le début de la guerre, le 1er novembre 1954.

Cet ouvrage donne à voir la rencontre de ces peuples qui ont fait l'Algérie à l'époque coloniale, et dont la confrontation fut chargée d'inégalités et de violences mais aussi riche de contacts et d'échanges. Les communautés, les villes, les campagnes, les religions, les femmes, les sociabilités et, enfin, les liens et les ruptures sont successivement étudiés ; de courtes présentations resituent les documents dans leur contexte, un décryptage nécessaire pour appréhender la réalité de l'époque et la manière dont elle était exprimée. Les très nombreuses illustrations offrent une variété de points de vue rarement proposée.

Feriel ben Mahmoud est historienne et réalisatrice de films documentaires pour la télévision. Elle a déjà publié aux éditions Place des Victoires : Bat d'Af, la légende des mauvais garçons (2005), Voyage dans l'empire colonial français (2007), Voyage en Orient (avec Nicolas Daniel, 2008). Michèle Brun, Constantinoise, collectionneuse et chercheuse passionnée, a été professeur d'histoire et a vécu trente-cinq ans au Maghreb.

Feriel Ben Mahmoud, Michèle Brun, L'Algérie au temps des français - Un siècle d'images (1850-1950), Editions Place des Victoires, 2009

Les valises sur le pont


Entre les accords d'Evian, le 18 mars 1962, et l'indépendance de l'Algérie, le 5 juillet, plusieurs centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants ont quitté l'Algérie pour la France. La plupart ont emprunté la mer. Les paquebots de la Compagnie générale transatlantique, de la Compagnie de navigation mixte, et bien d'autres, ont participé à cet exode réalisé dans l'urgence. C'est un immense déplacement de population, le dernier que la France ait connu. Dans ce livre, les auteurs évoquent la traversée maritime vécue comme un moment transitoire, fait de tristesse, d'appréhension, de peur, et aussi comme un moment de répit avant d'entamer une nouvelle vie dans un pays que certains ne connaissent pas encore.

Sous la direction de Christelle Harrir, Jean-Jacques Jordi et Aymeric Perroy, les auteurs de ces mémoires sont des historiens de renom et des membres de l'association French Lines chargée de la mise en valeur du patrimoine des compagnies maritimes françaises.

Jean-Jacques Jordi , Christelle Harrir , Aymeric Perroy, Les valises sur le pont - Mémoire du rapatriement maritime d'Algérie - 1962, Marines Editions, 2009

dimanche 13 décembre 2009

Todd Shepard


La guerre d'Algérie nous parle de la France d'aujourd'hui, en particulier des questions d'identité et de citoyenneté, mais aussi celles des rapatriés, de l'immigration, de la mémoire et de la réconciliation. C'est ce que montre ce livre salué par les historiens et qui devrait donner à réfléchir. Todd Shepard y explique, entre autres, comment la Vème République, à ses débuts, s'est appuyée sur la guerre d'Algérie pour restreindre durablement les libertés individuelles ; et comment l'histoire de l'impérialisme et de l'anti-impérialisme français a été réécrite par l'administration, les politiciens et les journalistes pour présenter la décolonisation comme une «fatalité», un mouvement inévitable, au lieu de dire qu'elle marquait l'échec du projet originel d'intégration nationale dans les colonies.

Todd Shepard, né en 1969, est maître de conférences (Associate Professor) à la Johns Hopkins University, aux États-Unis. Son livre a déjà reçu deux prix : celui du meilleur livre en anglais sur l'histoire de la France (prix J. Russell Major, décerné par l'American Historical Association en 2006) et celui du meilleur livre publié depuis deux ans sur l'Europe (prix du Council of European Studies, décerné en 2008). Fin 2007, Todd Shepard a été cité par le History News Network comme l'un des jeunes historiens américains les plus prometteurs du moment.

Todd Shepard, 1962, Comment l’indépendance algérienne a transformé la France, Payot, 2008.

samedi 5 décembre 2009

EL CASAL DE L'ALBERA


Conférence-dédicace, propopsée par El Casal de l'Albera, de Philippe Bouba : "L'arrivée des Pieds-Noirs en Roussillon en 1962".
Salle Buisson - Allée Ferdinand Buisson
Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales)
Samedi 12 décembre à 17h00 - Entrée libre

vendredi 27 novembre 2009

Français musulmans rapatriés d'Algérie


L'arrivée en de plusieurs dizaines de milliers de Français musulmans rapatriés d'Algérie est précurseur d'un défi pour la Frane: celui de leur intégration. Par une étude exhaustive de multiples sources (archives, presse, témoignages, associations), l'auteur retrace le quotidien d'une partie de cette population dans un département où ils constituent une minorité importante : le Vaucluse.

Abderahmen Moumen, LES FRANÇAIS MUSULMANS EN VAUCLUSE 1962-1991, Installation et difficultés d'intégration d'une communauté de rapatriés d'Algérie, 2003.

Monsieur le Président, devenez camusien !, par Michel Onfray

Monsieur le Président, je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être, si vous avez le temps. Vous venez de manifester votre désir d'accueillir les cendres d'Albert Camus au Panthéon, ce temple de la République au fronton duquel, chacun le sait, se trouvent inscrites ces paroles : "Aux grands hommes, la patrie reconnaissante". Comment vous donner tort puisque, de fait, Camus fut un grand homme dans sa vie et dans son oeuvre et qu'une reconnaissance venue de la patrie honorerait la mémoire de ce boursier de l'éducation nationale susceptible de devenir modèle dans un monde désormais sans modèles. (...)

Texte intégral sur lemonde.fr

dimanche 22 novembre 2009

Magazine "Entre Algérie et France"

Magazine "Entre Algérie et France", lieu de rencontres et territoire d'échanges entre cultures.

Si vous souhaitez participer à une e-terview, merci de prendre contact avec le magazine : algerieetfrance@yahoo.fr. N'hésitez pas aussi à laisser vos commentaires aux différents articles du magazine web "Entre Algérie et France".

samedi 21 novembre 2009

Camus reviens, ils sont devenus fous !


Selon Nicolas Sarkozy « Faire entrer Albert Camus au Panthéon, ce serait un symbole extraordinaire. » Mais qu’irait donc faire Camus le libertaire dans l’obscure crypte d’une ancienne église ? Camus reviens, ils sont devenus fous !

Il y a des manipulations politiciennes, des tripatouillages macabres, des détournements de valeurs qui font particulièrement gerber. L’attaque du président de la République contre les restes d’Albert Camus atteint des sommets dans l’obscénité. Les mots nous manqueraient presque devant l’abîme insondable creusé par la vulgarité de ceux qui nous gouvernent. Face à cette monstruosité décomplexée, à cette médiocrité rampante, rappelons quelques vérités qui devraient stopper net toutes les manœuvres en cours.

En 2008, avec le concours notamment de la librairie du Monde libertaire et du Centre international de recherche sur l’anarchisme, la bibliothèque municipale de Lourmarin, village où est enterré Albert Camus, présentait une exposition intitulée Le don de la liberté : Albert Camus et les libertaires. Une initiative qui fut suivie par un colloque sur le même thème. Dans le même temps, les éditions Egrégores ont publié Albert Camus et les libertaires (1948-1960), livre où sont rassemblés et commentés de nombreux textes de et sur Camus qui ne laissent planer aucun doute sur l’engagement du Prix Nobel de littérature 1957 aux côtés des anarchistes.


C’est en rencontrant Rirette Maîtrejean (1887-1968), co-éditrice du journal L’Anarchie avec Victor Kibaltchich (alias Victor Serge), qu’Albert Camus fut initié à la pensée libertaire. Rirette était correctrice à Paris Soir. Albert y était rédacteur et secrétaire de rédaction. Au marbre comme pendant les mois d’exode, en 1940, avec Rirette et les typos, correcteurs et imprimeurs (souvent anarcho-syndicalistes), Camus eut le temps de découvrir les traditions libertaires en France. Peu à peu, Camus, le « camarade absolument parfait », fit la connaissance des anarchistes responsables de diverses publications françaises (Le Monde libertaire, Défense de l’Homme, Liberté, Le Libertaire, Témoins…) ou étrangères (Volonta, Solidaridad Obrera, Arbetaren, Die freie Gesellschaft, Reconstruir, Babel…). Camus collabora régulièrement à certains de ces journaux et rencontra ses animateurs. Il profita même de son séjour à Stockholm, lors de la remise de son prix Nobel en 1957, pour se faire interviewer par Arbetaren et visiter les locaux de la Sveriges Arbetaren Centralorganisation (SAC), l’organisation anarcho-syndicaliste suédoise.


Dans les années 1930, le « Pied-noir » Albert Camus semblait avoir déjà des prédispositions pour les analyses libertaires. Il s’était fait viré du parti communiste, en 1937, parce qu’il soutenait Messali Hadj, leader du Mouvement nord-africain (MNA), parti rival du FLN qui entretenait des contacts avec le mouvement libertaire et les syndicalistes révolutionnaires de La Révolution prolétarienne (où Camus allait écrire). Le drame espagnol touchait aussi particulièrement Camus. Appels, articles et meetings se succédèrent pour venir en aide aux militants antifranquistes. En février 1952, salle Wagram à Paris, il participa à un meeting pour soutenir cinq militants anarcho-syndicalistes de la CNT condamnés à mort. Dans Le Libertaire du 26 juin 1952, il publia un texte pour exposer les raisons de son refus de collaborer avec l'UNESCO où siégeait un représentant de l'Espagne franquiste.


Albert Camus s’exprima régulièrement dans Témoins, revue antimilitariste et libertaire qui était ouverte à tous les courants anars. Une activité qui l’engagea naturellement aux côtés de l’anarchiste Louis Lecoin, dans les colonnes de la publication Défense de l’Homme, mais aussi dans la lutte pour l’obtention d’un statut en faveur des objecteurs de conscience. Écrit par Camus, le projet de statut fut approuvé par les membres du comité de secours aux objecteurs de conscience et diffusé par les militants pacifistes et libertaires, notamment dans un numéro spécial de la revue Contre-courant.


De très nombreux textes politiques et philosophiques aident à bien cerner le Camus qui affirmait : « Bakounine est vivant en moi ». En mai 1952, dans une lettre adressée à Gaston Leval, Albert Camus affirmait que la société de demain ne pourra pas se passer de la pensée libertaire. En 2009, cette évidence devient de plus en plus criante. Que les libertaires retroussent leurs manches si nous ne voulons pas que tous les rêves de Sarkozy deviennent très vite nos pires cauchemars.


L’idée qu’on pourrait profaner la tombe d’Albert Camus pour x ou y desseins glauques suffit à nous remplir d’effroi et de dégoût. Nous étouffons littéralement dans ce pays où règnent sans partage les détrousseurs de cadavres et autres charognards. « Le monde où je vis me répugne, mais je me sens solidaire des hommes qui y souffrent », disait l’auteur de L’Homme révolté qui aurait de quoi être dégoûté et révolté dans la France d’aujourd’hui.


A lire : Albert Camus et les libertaires (1948-1960), éditions Egrégores, 268 pages. 15€.


Paco, novembre 2009

lundi 16 novembre 2009

Les parfums de ma terre - 2008

Réalisateur : Mehdi Lallaoui

Production : France 3 Corse, Mémoires vives Productions

Jacky Malléa est arrière-petit-fils d'immigrés maltais. Il est né dans la petite ville de Guelma qui fut, à l'instar de Sétif en mai 1945, le théâtre d'une effroyable tuerie perpétrée par des milices européennes contre les nationalistes algériens et leurs proches. En 1962, Jacky Mallé subit l'exode des pieds-noirs d'Algérie puis reconstruit sa vie en France. Plus tard, il découvre un secret familial qui le conduit à revenir sur sa terre natale faire connaissance avec sa famille algérienne.

Ce film fait partie d'un triptyque, une traversée de la guerre d'Algérie autour de portraits d'hommes et de femmes représentant trois groupes mémoriels, aux engagements et aux itinéraires différents.

La série documentaire propose un décryptage des drames de cette guerre en trois volets et donne à découvrir des histoires inconnues, occultées ou très peu abordées.

Le premier volet "En finir avec la guerre…" aborde l'itinéraire de plusieurs appelés qui ont fait la "sale guerre". Ils oeuvrent aujourd'hui à travers leur association (l'Association des Anciens Appelés en Algérie Contre la Guerre) à des actions de solidarité concrète et de développement en direction de villages d'Algérie qui, il y a quarante ans, subirent de plein fouet les destructions liées à cette guerre.
Le deuxième volet, "Les parfums de ma terre", traite quant à lui d'un Français d'Algérie, né à Guelma et issu d'une famille Algérie Française (ses oncles ont participé activement à la répression de mai 1945 et étaient OAS dans les années soixante). Jacky Malléa a toujours vécu fraternellement avec les Algériens.
Lors de son service militaire, il a refusé de rejoindre une unité combattante. Il se découvrira à près de quarante ans une famille algérienne. Nous le suivrons sur sa terre natale à la recherche de ses souvenirs.
Enfin le troisième volet est construit autour de Jacques Charby, comédien, qui fut l'un des piliers du "Réseau Jeanson" que l'on appela "Les porteurs de valises". Ils furent quelques centaines à aider le FLN en France à échapper aux "mauvais traitements" de la police. Pas toujours avec succès…

samedi 14 novembre 2009

Colloque - Perpignan

Colloque - Quelles sources pour une histoire de la violence ?

13 et 14 novembre 2009, UPVD (Amphi Y)


Programme du samedi après-midi

14 heures 30

Céline Regnard-Drouot, MCF université d’Aix-Marseille,

Étudier la violence à partir des archives judiciaires. Quelques remarques sur le cas de Marseille au XIXe siècle.

Nicolas Krautberger, docteur ès lettres, laboratoire de recherches historiques Rhône-Alpes, Grenoble,

Alpes/Algérie : sources et historiographie de l’étude d’un transfert de savoirs et de savoirs-faires administratifs autour de la répression des délits forestiers dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Discussions

Nicolas Lebourg, docteur ès lettres, ATER Université de Perpignan et Dominique Sistach, MCF de droit public, Université de Perpignan,

Le droit de l’archive et la morale de l’histoire ; les limites juridiques de l’écriture de l’histoire présente : le cas François Duprat.

Pause

Marie Goupy, ENS Paris,

De l’utilisation de la torture durant la guerre d’Algérie : l’état d’exception et la violence d’État.

Moumen Abderahmen, docteur ès lettres, Université de Perpignan,

Les massacres de harkis à travers les archives du service historique de l’armée de terre.

jeudi 5 novembre 2009

Dictionnaire de la colonisation française


Présentation de l'éditeur :
Jamais la colonisation, un demi-siècle après les guerres d'Indochine et d'Algérie, jamais l'esclavage -150 ans après l'abolition - n'ont été aussi présents dans la vie publique. Le temps des colonies apparaît comme un passé qui ne passe pas, l'enjeu de conflits de mémoires, sur fond de malaise de la mémoire officielle. Ce dictionnaire veut être pour un large public, loin de tout manichéisme, un ouvrage de référence en présentant des informations sûres, les débats et les points de vue représentatifs des études françaises et étrangères, les renouvellements des connaissances. Il étudie les aspects multiples de la situation coloniale qui a imprimé sa marque dans les domaines les plus divers. Comment comprendre notre monde sans donner toute sa place à ce phénomène majeur ?

Claude Liauzu (dir.), Dictionnaire de la colonisation française. Paris, Larousse, Collection « À présent », 2007, 654 pages.

samedi 31 octobre 2009

Port-Vendres


Conférence / dédicace
Samedi 7 novembre à 10h30 - Bibliothèque de Port-Vendres
Philippe Bouba - "L'arrivée des Pieds-Noirs en Roussillon en 1962" - Editions Trabucaire

La Bibliothèque intercommunale est au 2ème étage du centre Culturel, Place Castellane à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales)

mardi 27 octobre 2009

Perpignan : un centre de documentation et d'exposition sur l'Algérie en débat

Eric Savarese, maître de conférences en science politique à l'UPVD, a rédigé la synthèse d'un travail collectif financé par le CERTAP (Centre D'Etudes et de Recherches sur les Transformations de l'Action Publique, UPVD), et réalisé à son initiative suite à la Journée d'Etudes Montrer l'Algérie au public. Pour en finir avec les guerres de mémoires algériennes, qu'il a organisé dans les locaux de notre université le 19 avril dernier. Elle est co-signée par plusieurs spécialistes de l'Algérie et de son histoire, et n'a d'autre but que de nourrir le débat sur le projet de réalisation d'un centre de documentation et d'exposition sur l'Algérie - projet dont la dénomination actuelle est le "Centre de documentation sur la présence française en Algérie".

http://www.univ-perp.fr/modules/resources/download/default/COMMUNICATION/COLLOQUES%20CONF/Rapport%20Collectif%20Perpignan_0707.pdf

Position de Guy Pervillé sur l'annexe au rapport d'Eric Savarese : "Une note sur "le mur des disparus" (2007)

jeudi 22 octobre 2009

La Maison des Mots - Trèbes

Rencontre avec les auteurs audois.

La Maison des Mots accueille 11 auteurs audois et notamment des Trébéens. Philippe Bouba, auteur de “L’Arrivée des Pieds-Noirs en Roussillon en 1962″. André et Michèle Bonnery, co-auteurs du livre “Les deux visages de Janus”. Michèle Lafayette et Virginie Martinez poétesses. Héloïse Gérard, auteur de “La Liberté des Femmes” et “J’aime écrire”, illustrés par la peintre, Marie Morel. Nicolas Ancion, auteur de romans et de nouvelles pour la jeunesse. Luc Fuentes et Christine Mamet présentent “L’Aude Rouge” et “La Légende de Matéo”. Simone Salgas et son dernier né “Lilou prend ses distances”.

Tout au long de l’après-midi, vous pourrez rencontrer les auteurs, autour de la présentation de leurs ouvrages, qui sera suivie d’une séance dédicace.

Bibliothèque Municipale “La Maison des Mots” – Place de l’Hôtel de ville – 11800 TREBES.

Le samedi 21 NOVEMBRE 2009 de 15h00 à 17h00.

dimanche 11 octobre 2009

Culture et Patrimoine

Proposée par la Médiathèque de Canet en Roussillon

Vendredi 23 octobre 2009 - 18h30
Salle de l'Ecoute du Port
(Canet en Roussillon - Pyrénées-Orientales)


Présentation et dédicace du livre de Philippe Bouba, "L'arrivée des Pieds-Noirs en Roussillon en 1962".

27 Mai 1962 arrivée du El Mansour qui marque le début de l'exode des Rapatriés d'Algérie. Port-Vendres devient la tête de pont de l'exode. Philippe Bouba retrace au travers de la presse locale l'ampleur du phénomène et le recontextualise grâce à des témoignages. Il évoque l'accueil, les associations humanitaires, et la naissance du concept de Pieds-Noirs.

samedi 10 octobre 2009

Paul Vigné d'Octon


Ce rapport officiel du médecin Paul Vigné sur les abus, crimes et vexations commis par les autorités françaises en Tunisie au début du XXe siècle fut mis sous le boisseau et dut être publié par La Guerre sociale. C’est l’un des très rares écrits anticolonialistes de l’époque. Suivi par la Terreur en Afrique du Nord, sur les recrutements forcés de soldats en 1914-18. " Dans ce livre, j’expose les crimes et les abus de toute sorte perpétrés journellement par notre administration, tant civile que militaire, à l’égard des indigènes de nos possessions nord-africaines et plus particulièrement de l’extrême-sud où, à cause de l’éloignement et de l’absence de tout contrôle par l’opinion publique, le plus cruel arbitraire s’épanouit librement.
Exactions, refoulement, spoliations, iniquités fiscales, mauvais traitements, toute cette flore de cruautés et d’injustices dont le soleil d’Afrique semble faciliter la croissance et l’évolution, vous la trouverez décrite, ainsi que toutes les variétés de gabegie, toutes les formes de concussion et de prévarication dont se rendent coupables la plupart des fonctionnaires qui ont pris pour devise : " Que le burnous est fait pour suer."

Paul Vigné d'Octon, Le sueur du burnous, Les Nuits Rouges, 2001.

COMMENT LA FRANCE "CIVILISE" SES COLONIES


Rédigés au tournant des années 1930, ces deux textes dressent un inventaire des méthodes du colonialisme français de l’époque en revenant sur quelques faits négligés par les historiens officiels, fussent-ils « anti-colonialistes ». Il faut rappeler que l’indigénat était le successeur républicain du Code noir, des textes forgés entre 1881 et 1887 qui n’ont été abolis, avec le travail forcé, qu’en 1946. L’ impérialisme occidental n’est sans doute pas d’une essence plus abominable que ceux qu’il a supplantés, quoique, porté par le dynamisme impitoyable de l’économie capitaliste, il se soit révélé bien plus efficace que les autres pour asservir les peuples et écraser ceux qui refusaient de se soumettre.
A sa manière sanguinaire, il a tout de même amorcé un début de mondialisation. Il est donc irréversible, mais probablement aussi irréformable. Le travail d’exposition des crimes du colonialisme que nous menons depuis 1998 n’est donc pas motivé uniquement par des raisons morales, mais aussi par la conviction que ce mode de production est devenu dangereux, non plus seulement pour les hommes mais pour la planète elle-même.
Ces deux textes ont été rédigés au tournant des années 1930, lors de l’aventureuse « troisième période » des partis communistes. Ils dressent un inventaire, sommaire mais précis, des méthodes du colonialisme français dans les années 1920-30 et reviennent sur quelques faits négligés par les historiens officiels, fussent-ils « anticolonialistes » : ainsi le toujours peu connu Code de l’indigénat, successeur républicain du Code noir de la période esclavagiste, lui beaucoup plus documenté.

Henri Cartier, Comment la France "civilise" ses colonies, Les Nuits Rouges, 2005.

vendredi 9 octobre 2009

Le mal-être arabe


Le mal-être de centaines de milliers d'immigrés et de fils d'immigrés nord-africains a d'évidence des causes anciennes et profondes, qui minent le " modèle républicain ". Souffrent-ils, comme disent certains, d'une schizophrénie identitaire ou plutôt des discriminations dont ils sont victimes dans tous les domaines - logement, éducation, emploi, santé, culture ?
Le sort que cette société leur réserve a-t-il un lien, et lequel, avec la longue histoire coloniale de la France ? Les enfants de l'immigration subissent-il le carcan de l'islam, jugé irréformable et accusé de servir de terreau à toutes les violences - délinquance, actes antisémites ou machistes, voire terrorisme ? A moins qu'une certaine islamophobie ne s'ajoute au vieux racisme anti-arabe, alimentée par la " guerre antiterroriste " - et ses relais médiatiques - menée par les Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001 ?
Deux décennies après la " marche des Beurs ", où en est le mouvement des jeunes issus de l'immigration? L'action commune entre musulmans et non-musulmans contre l'exclusion augure-telle d'un renouveau de leur action et de leur alliance avec les forces altermondialistes ? Mais pour quel objectif?
Afin que les enfants de l'immigration s'intègrent " à la société française - mais à la seule manière d'une reddition sans condition ? Ou polir que celle-ci leur garantisse enfin l'égalité des droits et des chances sans laquelle il n'y a pas de possibilité de vivre ensemble, dans le respect des différences ?
Avec cette enquête, les auteurs ont voulu écouter et restituer au plus près la parole des " Arabes de France " pour savoir comment les acteurs (jeunes et anciens, hommes et femmes) perçoivent mais aussi comment les spécialistes (historiens, philosophes, sociologues, politologues) analysent le mal-être de centaines de milliers d'hommes et de femmes unis par une expérience commune de l'altérité.

Karim Bourtel et Dominiqu Vidal, Le mal être arabe, Enfants de la colonisation, Agone, 2005.

Dominique Vidal est rédacteur en chef adjoint au Monde diplomatique, auquel collabore Karim Bourtel, qui travaille également pour Politis, Témoignage chrétien et divers médias audiovisuels.

Catherine Coquery Vidrovitch


Notre patrimoine historique « national » doit-il inclure l’histoire de la colonisation et de l’esclavage colonial ? La réponse positive, de bon sens, ne fait pas l’unanimité : soit parce que parler sans tabou du domaine colonial serait « faire repentance », soit parce que l’ignorance ou la négligence entretenues depuis plusieurs générations font qu’il ne vient même pas à l’esprit de beaucoup de nos concitoyens que notre culture nationale héritée n’est pas seulement hexagonale. La culture française (que d’aucuns veulent appeler « identité nationale ») résulte de tous les héritages mêlés dans un passé complexe et cosmopolite où le fait colonial a joué et continue par ricochet de jouer un rôle important.

Professeure émérite d’histoire contemporaine de l’Afrique (université Paris-Diderot), Catherine Coquery-Vidrovitch a notamment fait paraître Des victimes oubliées du nazisme (Le Cherche-Midi, 2007) ; et L’Afrique noire de 1800 à nos jours (avec Henri Moniot, PUF [1999] 2005).

Catherine Coquery Vidrovitch, Enjeux politiques de l'histoire coloniale, Editions Agone, collection "Passé et Présent", 192 pages, 14 euros.

dimanche 20 septembre 2009

ASSOCIATION FRANCE-ALGERIE

L'Association France-Algérie a été fondée le 20 juin 1963 par des personnalités françaises réunies autour d'Edmond Michelet, ancien Garde des Sceaux, à l'intiative du Général de Gaulle qui avaient en commun la conviction profonde que l'accession de l'Algérie à l'Indépendance en juillet 1962 pouvaient établir entre les deux Etats et les deux peuples une ère nouvelle de relations faites d’estime et d’amitié.

Se trouvaient parmi ces personnalités d'anciens résistants français comme Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle Anthonioz, André et Anise Postel Vinay, Joseph Rovan, David Rousset, Robert Buron, Stéphane Hessel. Se trouvaient aussi des responsables militaires ou des fonctionnaires qui avaient dénoncé les terribles dérives de la guerre d'Algérie et s'y étaient opposé comme le général Jacques Pâris de Bollardière, le général Pierre Billiote, Paul Teitgen, des journalistes et hommes de lettres comme Jean Daniel, Jean Lacouture, Jean-Marie Domenach, André Froissart, François Mauriac. Il y avait aussi des pieds noirs qui avaient su résister au fatal engrenage de la haine et de la violence pendant les années de guerre, des responsables étudiants algériens et français qui avaient milité ensemble, tous désormais pressés de tourner une page d'histoire douloureuse et confiants dans l'avenir.

Certains animaient déjà des associations de solidarité avec le peuple Algérien : Le "Fond d'aide aux victimes des attentats de l'OAS" créé en 1961 par André Postel Vinay et François Bloc-Lainé, "Le Fond de solidarité Franco-Algérien" créé par Germaine Tillion et Pierre Emmanuel et "Le Comité Djamila Boupacha" par Françoise de Liencourt et J. Fonlupt-Esperaber.

Ils furent rapidement rejoints par des jeunes qui avaient accompli leur service militaire en Algérie ou qui y avaient effectué leur stage d’élèves de l'Ecole Nationale d'Administration, comme Pierre Joxe, Jean-Pierre Chevènement ou Bernard Stasi et d’autres encore. Tous sont restés fidèles à leur engagement et acquis à une coopération exemplaire dans le respect des intérêts de chacun en faveur d’une Entente durable entre les deux Etats et les deux peuples français et algérien.

Depuis sa création, les actions de l’Association France-Algérie ont été marquées tantôt par de réelles avancées dans la compréhension et la coopération entre la France et l'Algérie et tantôt par l'accumulation de malentendus et d'occasions manquées. L’Association France-Algérie a multiplié durant toute cette période, parfois en liaison avec son homologue l'Association "Algérie-France", créée en Algérie en 1964, actuellement dissoute mais dont on attend la refondation prochaine, les initiatives de voyages d'élus locaux en Algérie et Algériens en France, d’échange de jeunes, de colloques à caractère économique et de manifestations culturelles.

Aujourd’hui, l’Association France-Algérie est reconnue par tous car elle a su garder l’esprit et la conviction qui animaient, en 1962, la majorité du peuple français, toute tendance politique confondue, dans son soutien à l’Indépendance de l’Algérie à laquelle, consulté à deux reprises, il avait répondu massivement OUI.

L’Association favorise, depuis 2005, la création de filiales locales dans toute la France. Elle soutient, en accord avec les instances algériennes, les projets de toute nature, économique, culturel et humain qui renforcent la connaissance réciproque des sociétés civiles française et algérienne et qui valorisent ce qu’elles ont en commun.

http://www.asso-france-algerie.fr

Valérie Esclangon-Morin


Cet ouvrage se propose d'étudier ce qu'ont vraiment été les structures d'accueil et d'aides prévues par les pouvoirs publics à l'époque des décolonisations ainsi que l'ensemble de la politique d'intégration qui a suivi. Y a-t-il eu négligence ou mépris à l'égard des Rapatriés comme cela a été raconté ? L'Etat français a-t-il failli à sa mission intégratrice ? Sont aussi analysés les rapports complexes qui ont lié les pouvoirs publics et les Rapatriés, représentés par leurs associations, des années 1960 à nos jours.

- Valérie Esclangon-Morin, Les Rapatriés d'Afrique du Nord de 1956 à nos jours, L'Harmattan, 2007.

vendredi 28 août 2009

Pieds-Noirs « repliés » en France ou sur eux-mêmes ?

http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article6307

Fils et petit-fils de Pieds-Noirs, Philippe Bouba est l’auteur d’un livre sur l’arrivée des Pieds-Noirs dans la région de Perpignan en 1962.

Étudiant à l’Université de Perpignan Via Domitia entre 1998 et 2004, Philippe Bouba a obtenu une maîtrise et un Master Recherche en Histoire contemporaine en menant un travail sur les Rapatriés d’Algérie dans les Pyrénées-Orientales. C’est cette recherche que les éditions Trabucaire ont récemment publiée.

Si Philippe Bouba accentue son travail sur le Roussillon, son livre permet plus largement de dessiner les contours sinueux de la communauté pied-noire. Un rappel qui n’est pas inutile tant les clichés et les idées reçues sont encore nombreux. Loin d’appartenir à un bloc religieux, géographique et politique homogène, les Pieds-Noirs sont le fruit de plusieurs migrations européennes vers l’Algérie. Les raisons de ces déplacements sont militaires, politiques, économiques.

Les premiers européens, des militaires français, arrivèrent en Algérie dans la seconde moitié du XIXe siècle. Suivirent des opposants politiques (républicains de 1848, exilés d’après le coup d’État de Napoléon III, Communards de 1871, Lorrains et Alsaciens fuyant leur annexion à l’Allemagne, républicains espagnols fuyant Franco...) et des immigrés économiques qui venaient s’établir sur cette nouvelle terre conquise par l’armée française. Occitans, Corses, Provençaux, Catalans, mais aussi Espagnols, Maltais, Italiens, Allemands, Suisses... vont s’installer notamment comme travailleurs agricoles dans cette France d’outre-Méditerranée. La plupart des étrangers n’avaient jamais mis les pieds en France métropolitaine avant leur venue en Algérie française. Certains gardèrent même leur nationalité. Des précisions qui rendent finalement impropre le terme de « Rapatriés » qui fut attribué à partir de 1962 à des gens qui n’avaient pas toujours la France comme patrie d’origine.

Certains Pieds-Noirs ne se reconnaissaient d’ailleurs pas comme rapatriés. Notamment ceux qui gardaient l’espoir de repartir en Algérie après leurs « vacances forcées ». Des organismes comme le Secours Catholique, considérant que la situation des Pieds-Noirs pouvait être temporaire, utilisait le mot « repliés » pour désigner le flot des réfugiés emportés par l’exode de 1962. Le PCF, assimilant globalement les Pieds-Noirs à l’OAS, utilisait aussi le mot « repliés » pour bien signifier qu’il souhaitait ardemment le retour des Pieds-Noirs en Algérie... Pour affiner le portrait complexe de la communauté pied-noire, il faut ajouter qu’elle est donc composée d’Européens (chrétiens ou athées), mais aussi de juifs séfarades. Écartelés entre France et Algérie, n’oublions pas le destin tragique des Harkis, les Français musulmans restés fidèles à la France.

Terminons cette présentation en donnant les raisons qui ont fait émerger le terme « Pieds-Noirs » dans la presse métropolitaine pendant la guerre l’Algérie, terme à présent validé par l’Académie française pour désigner les « Français d’Algérie ». Le terme vient probablement des chaussures portées par les Européens (belles chaussures noires des colons, godillots noirs des soldats du temps de la conquête, chaussures avec lesquelles les Pieds-Noirs jouaient au football...). Philippe Bouba mentionne également comme piste possible la teinture noire que les premiers colons mettaient sur leurs pieds pour lutter contre le paludisme.

Si 30.000 juifs séfarades partirent pour Israël, si d’autres Pieds-Noirs émigrèrent au Québec, en Argentine, en Australie, aux Antilles, en Espagne ou aux États-Unis, c’est dans les Pyrénées-Orientales que certains d’entre eux débarquèrent à partir du 27 mai 1962. Ce jour-là, le El Mansour, en provenance de Mers-el-Kébir, transportait neuf cents Pieds-Noirs qui accostèrent à Port-Vendres en chantant La Marseillaise et Le Chant des Africains. D’autres paquebots (El Djezaïr, le Kairouan, le Sidi-bel-Abbes, le Cazalet...), des cargos (le Canigou, le Rélizane...) et même des chalutiers (le Deux-Sourds, le Tout va bien, l’Émilia, l’Espérance...) firent traverser la mer à des milliers de familles qui n’emportaient avec elles que quelques valises. Parfois, des bateaux repartaient avec des soldats d’origine maghrébine démobilisés par l’armée française et reconduits dans leur pays devenu souverain pour y connaître un avenir plus qu’incertain...

Suite aux accords d’Évian, le gouvernement français avait prévu un exode massif à partir de toute l’Afrique du Nord. 400.000 rapatriés étaient attendus en quatre ans. Ce nombre fut atteint en six mois avec les seuls Pieds-Noirs d’Algérie. En 1962, près de 30.000 Pieds-Noirs arrivèrent dans les Pyrénées-Orientales. 15.000 s’installèrent à Perpignan, ville alors dirigée par Paul Alduy (père de « Chaussettes »), avec le soutien du Secours Catholique, puis d’associations de rapatriés, l’Anfanoma et le Ranfran. En citant des articles de l’Indépendant et du Travailleur catalan (journal du PCF dans les Pyrénées-Orientales) ou en recueillant des témoignages, Philippe Bouba montre que l’accueil des Pieds-Noirs par les « Patos » ne se fit pas sans heurts.

Les bals de village furent parfois agités et le climat politique était très tendu. Pour les militants anti-colonialistes du PCF ou du PSU, Pied-Noir rimait avec OAS ou, au moins, avec colon. La réalité était plus nuancée. Loin de la guerre civile prédite, les activités de la vingtaine d’individus de l’OAS-Métro à Perpignan se limitèrent à cinq plasticages et à quelques collages d’affiches. Quant à la « richesse » des Pieds-Noirs, Albert Camus, écrivain libertaire né en Algérie, avait pourtant, dès 1955, dans L’Express, expliqué que « 80% des Français d’Algérie ne sont pas des colons, mais des salariés ou des commerçants. Le niveau de vie des salariés, bien que supérieur aux Arabes, est inférieur à celui de la métropole. » Mais la caricature du Pied-Noir-colon « à cravache et à cigare » avait la peau dure.

L’historiographie sur ce sujet dans le Roussillon est pauvre. Philippe Bouba comble un vide avec un ouvrage proposant photos et documents originaux. Les témoignages vivants livrés par l’auteur donnent un relief intéressant à l’Histoire. Que ce soit un habitant de Port-Vendres, un ancien de l’OAS-Métro, une bénévole du Secours Catholique de Port-Vendres, des militants Pieds-Noirs anti-colonialistes (communistes, anarchistes, trotskyste), des Pieds-Noirs venus d’Alger, de Bône, de Ténès, de Beni-Saf, d’Oran..., tous apportent leur pièce au puzzle qui n’est pas prêt d’être terminé.

Parce qu’ils sont rarement mis en avant, saluons les témoignages de deux militants anarchistes Pieds-Noirs. Preuve que le couple Pied-Noir/OAS n’est pas une fatalité ! L’un, Miguel, fils d’un réfugié CNT-FAI espagnol, voyait d’un bon œil la rébellion algérienne contre le pouvoir colonial, mais n’envisageait pas de remplacer le propriétaire français par son homologue algérien. La religion et le recours au terrorisme creusaient aussi un fossé entre les anars espagnols et le FLN. S’ils n’adhéraient pas au mouvement insurrectionnel, les militants du Mouvement libertaire en exil opposaient néanmoins une résistance active aux agissements criminels de l’OAS.

Le second militant libertaire, Edward, avait 16 ans en 1962. Pour lui, le monde n’était pas partagé entre Français et Arabes, entre Pieds-Noirs et Patos, mais entre riches et pauvres, entre patrons et ouvriers. Il dénonce le ressentiment pied-noir qui rejette toujours la faute sur les gaullistes, les communistes, les Arabes… « Ils auraient dû tout mettre en œuvre afin de trouver ensemble, Français d’Algérie et Arabes, les solutions pour parvenir à vivre en harmonie, en autonomie, en autogestion, loin des schémas politiciens en provenance de métropole. À ce moment clef de leur Histoire, les Pieds-Noirs n’ont pas su se comporter en adultes, en êtres responsables. Il y a du reste de leur part, encore aujourd’hui, un véritable manque de réflexion sur leur situation actuelle. »

Philippe Bouba, L’Arrivée des Pieds-Noirs en Roussillon en 1962, éditions Trabucaire, 178 pages. 15€.

Paco, membre de la Conspiration internationale des clowns radicaux, est journaliste, chroniqueur pour "Entre Algérie et France" et l’auteur de « Dansons la Ravachole ! » (roman noir et rouge) publié aux éditions Libertaires.

mardi 25 août 2009

École normale supérieure lettres et sciences humaines

Pour une histoire critique et citoyenne - Le cas de l’histoire franco-algérienne

Porté par un groupe d’historiens de l’Algérie et du fait colonial, ce colloque a été organisé à Lyon, par l’Ecole normale supérieure Lettres et Sciences humaines, du 20 au 22 juin 2006.
Ce projet de colloque est né en France, à l’origine, du mouvement de protestation du collectif d’historiens qui s’est constitué contre la loi du 23 février 2005, notamment en son article 4. Il est fondé sur l’idée que la recherche et l’enseignement doivent rester libres de toute injonction politique. Il vise ainsi à promouvoir « l’histoire des historiens », laquelle reste souvent confinée dans les cercles restreints de l’université et autres instituts de recherche ; cela pour mettre à la disposition du public une histoire s’efforçant d’être honnête.

http://ens-web3.ens-lsh.fr/colloques/france-algerie

mercredi 12 août 2009

3ème Salon du SFPN

3ème Salon du Savoir-faire Pieds-Noirs, Mas de l’Ille au Barcarès (Pyrénées-Orientales) les 21, 22 et 23 août 2009.


Vendredi 21 à la Salle « La Rue »

Salle « La Rue », les exposants vous accueillent.

10h00 : ouverture du salon avec plus de cinquante stands : floralies, arboriculture, vins, artisans, artistes peintres, écrivains…

12h00 : apéritif offert

Restauration sur place : midi, Sardinade 15 €, soir, Paëlla monstre 20 €.

15h00 : danse Andalouses, danses basées sur le Chindaî, projections, animations

21h00 : « JEANMY chante Johnny», participation de 25 €


Samedi 22

10h30 : cérémonie Religieuse à la stèle avec Monseigneur BOZ

Restauration sur place : midi, Couscous royal à 22 € soir, buffet pied-noir à 18 €

14 h 30 : démonstrations, projections, animations…

21h00 : grand spectacle des « Los Machucambos », participation 22 €


Dimanche 23 au salon du Mas de L’Ille

11h00 : bénédiction célébrée à la mémoire de nos disparus

Restauration sur place : midi, Merguez Party à 15 €

17h30 : Tirage de la TOMBOLA et remise des prix du meilleur exposant.

lundi 13 juillet 2009

André Laude : « Pied-Rouge » en Algérie !


Fin 2008, les éditions de la Différence ont publié l’œuvre poétique d’André Laude. Retour sur l’itinéraire algérien d’un rebelle « Pied-Rouge ».

Complice des surréalistes, des anarchistes et des situationnistes, rebelle singulier surfant sur l’universalité du monde des vivants, André Laude (1936-1995) a été l’homme de plusieurs vies. Journaliste, sous son nom ou avec de multiples pseudonymes, pour Combat, Le Libertaire, Tribune socialiste, Jeune Afrique, Le Monde, Pilote, Les Nouvelles littéraires, Le Nouvel Observateur, Actuel, Politis, Le Fou parle, Art Tension, France Culture, Playboy…, André Laude a également été un poète fulgurant. La copieuse œuvre poétique publiée fin 2008 par les éditions de la Différence nous replonge dans une somme de textes parfois déroutants.

Révolté viscéral, André Laude a adopté bien des causes avec une extrême empathie. Dans sa chair et dans son sang, il pouvait être sincèrement Nègre, Amérindien, Breton, Occitan, Cubain, Espagnol, juif polonais, coolie en Asie… ou Kabyle. La guerre d’Algérie a été très concrètement le premier grand rendez-vous politique d’André Laude. Il a raconté la genèse de cet engagement dans le journal Combat les 8, 9 et 10 juin 1965. Articles qui seront prochainement réédités par l’association des Amis d’André Laude.

Au début des années 1950, André Laude se lia d’amitié avec Michel Donnet, l’un des fondateurs de la Fédération communiste libertaire (FCL) qui éditait Le Libertaire. Un vieux Kabyle militait au sein du groupe. Autour d’un couscous ou d’un verre de thé à la menthe, le jeune André se nourrissait de la tragique histoire algérienne en serrant les poings. Farouchement anticolonialistes, les militants de la FCL apportèrent leur soutien à Messali Hadj, le pionnier du nationalisme algérien. « Nous jetâmes – sans trop d’espoir – toutes nos forces dans la lutte pour entraîner les masses dans un soutien actif au combat des Algériens. Le Libertaire vint en tête des organes de presse saisis, ce qui, ajouté aux tracasseries policières de toutes sortes et à nos crises, allait bientôt amener à la disparition de la FCL. »

En 1956, ne voulant pas devenir l’un des bourreaux du peuple algérien, André Laude vivait à la frontière de la clandestinité, « prêt à disparaître au moindre signe inquiétant ». La classe ouvrière bougeait un peu, « pas assez pour imposer une paix révolutionnaire ». « Elle est fatiguée de la guerre, mais le sang de ses jeunes morts, au soleil des Aurès, ne l’écœure pas assez pour qu’elle s’empare des rues et arrache les pavés », regrettait André qui, avec ses camarades communistes libertaires, devint porteur de valises « bien avant que Francis Jeanson ne s’en souciât » et participa à des campagnes qui luttaient contre l’envoi de troupes françaises en Afrique du Nord.

Dans un entretien accordé à Thierry Maricourt pour L’Histoire de la littérature libertaire en France (Albin Michel. 1990), André Laude expliquait qu’il fut un jour arrêté à Paris, place de la Nation, et conduit dans un camp tenu par des parachutistes dans le Sud Sahara. Prisonnier, il aurait subi des traitements barbares. « Quand je m’effondrais sur le sol de la cellule, je me traînais jusqu’à la muraille. Les ongles griffaient la pierre chaude en quête d’une impossible humidité. J’avais les lèvres boursouflées. Ma poitrine fumait comme une forge. Je haletais. J’appelais ma mère au secours. Je crachais des mots sans suite… »

Échangé contre cinq officiers supérieurs français, André Laude a été libéré au bout de plusieurs mois d’enfer. Passant par Tunis, il reprit le travail de journaliste qu’il avait commencé à Combat. Ce révolutionnaire devenu « professionnel » partit à Cuba pour le compte des nationalistes algériens et revint en France pour reprendre une activité clandestine. De cette époque, datent des rencontres avec de nombreux militants et écrivains, dont Frantz Fanon et le « frère » Kateb Yacine, « le petit survivant de Sétif ».

L’Algérie gagna son indépendance, en 1962. « Que vais-je devenir ?, se demandait André Laude. J’ai trop vécu la lutte des Algériens pour retourner à mon train-train quotidien, poétique et alimentaire, alors que tout va commencer là, sous le soleil, au milieu des pierres. Car je ne doute pas de la révolution. Ce serait trop triste qu’un peuple ait combattu huit années pour s’arrêter à cette victoire. » Avec une lettre de ses amis Algériens de Paris serrée dans son portefeuille, « sésame magique pour entrer dans la grotte merveilleuse de la révolution », André Laude arriva à Alger en plein ramadan. Malgré l’islam « réactionnaire, abâtardi, pétrifié » qu’il découvre et qui « perpétue en Algérie la domination de l’homme sur la femme », André Laude sentait flotter la révolution dans l’air.

Aux terrasses des cafés, se mêlaient Algériens et « Français de gauche » qui avaient déserté Saint-Germain-des-Prés. On y croisait notamment Georges Arnaud, l’auteur du Salaire de la peur que Minute appelait « le Français le plus anti-français », Hervé Bourges, Jacques Vergès, Henri Alleg, Jean Sénac… Le « traître » André Laude a travaillé pour l’Algérie-Presse-Service, l’agence de presse nationale algérienne, jusqu’à la chute d’Ahmed Ben Bella, en 1965. À son retour en France, Laude passa en procès pour « collaboration avec l’ennemi ». André Breton vint témoigner en sa faveur.

La guerre d’Algérie n’eut pas de fin pour André Laude. Il l’exprima notamment, en octobre 1980, dans Le Fou parle, revue d’art et d’humeur animée par Jacques Vallet. André Laude y publia une effrayante nouvelle, La Guerre n’est pas finie. Le texte figure au dos de la page qui offre le poème Ephélène écrit par Benoist Rey, auteur du livre Les Égorgeurs, ouvrage édité par les éditions de Minuit en avril 1961 et aussitôt interdit (disponible à présent aux éditions Libertaires).

« Une fois sur deux quand je vais aux chiottes je chie du sang. Et ce sang me ramène là-bas. Là-bas : violences, sexes coupés à coups de tessons de bouteille, de canettes de bière plus précisément. » Les premières lignes de la nouvelle annoncent un texte vertigineux sur les tortures sexuelles infligées aux prisonniers par les soldats français. « Où sommes-nous ? Nous sommes quelque part dans le sud saharien, dans un trou perdu. Une vague palmeraie. Un espace cerné par le fil barbelé. Des postes de garde. C’est le Goulag en plein Maghreb. C’est un camp. Un camp ressemble toujours à un autre camp. Il y a les mêmes silhouettes de gardes armés, les mêmes profils durs, les mêmes crosses qui luisent sous la lune, les mêmes chiens-loups, les mêmes lumières crues qui balaient l’espace de l’agonie… »

Dans Comme une blessure rapprochée du soleil, les éditions La Pensée sauvage avaient déjà publié, en 1979, un poème d’André Laude sur le même thème. Le Viol de Nedjma est le sous-titre donné au texte intitulé La Guerre d’Algérie.

(…) Le livre des cicatrices

on n’en achève jamais la lecture

Elle se prolonge au-delà même du sommeil

qui est un vrai nid de flammes et de vipères.

André Laude, Œuvre poétique (avant-dire de Abdellatif Laâbi, préface de Yann Orveillon, cahier photo), éditions de la Différence, 752 pages. 49€.

Les Amis d’André Laude chez André Cuzon 12 avenue Dumont 93600 Aulnay-sous-Bois. Contact mail : acuzon[at]wanadoo.fr Adhésion : 15€ (minimum) donnant droit au Cahier André Laude.

Merci à André Cuzon pour le prêt des articles d’André Laude publiés dans Combat. Toute approche biographique d’André Laude s’accompagne de quelques précautions. Vous êtes cordialement invité-e-s à fournir des éléments qui pourraient aider à dessiner les méandres de cette saga tumultueuse.

Paco, 13 juillet 2009

samedi 27 juin 2009

La guerre des mémoires

Comment les immigrés du Maghreb, d'Afrique Noire et des Dom-Tom construisent-ils des mémoires coloniales dans l'ancienne métropole ? Comment les pieds-noirs d'Algérie construisent-ils une identité du souvenir ? Quels peuvent être les usages sociaux et politiques des mémoires coloniales ? Dans quelle mesure est-il possible de définir l'élaboration de stratégies identitaires associées à la formulation de souvenirs de la colonisation et d'identifier les acteurs qui élaborent ces stratégies ? Comment des mémoires coloniales concurrentes s'affrontent-elles, tout en se recomposant ? Quel peut être le rôle du politique en matière de gestion des mémoires ? Comment s'élaborent, et sous l'influence de quels acteurs ou facteurs, des politiques commémoratives à travers lesquelles une sélection de souvenirs acquièrent le statut d'histoire officielle ? C'est à toutes ces interrogations que ce livre tente de répondre, en soulignant l'étendue du travail qui reste à accomplir.

Eric Savarese est Maître de Conférences en Sciences politiques à l'université de Perpignan. Il a déjà publié L'Ordre colonial et sa légitimation en France métropolitaine. Oublier l'Autre (Paris, L'Harmattan, 1998), Histoire coloniale et Immigration (Paris, Séguier, 2002) et L'Invention des pieds-noirs (Paris, Séguier, 2002).

Eric Savarese. Algérie, la guerre des mémoires. Editions Non Lieu. Janvier 2007.

vendredi 26 juin 2009

Etudes coloniales

http://etudescoloniales.canalblog.com

Ce site édite une revue en ligne qui encourage les recherches consacrées à l'histoire coloniale et post-coloniale, à l'histoire des constructions mémorielles et sur les migrations d'origine coloniale.

dimanche 31 mai 2009

L'arrivée des Pieds-Noirs en Roussillon, en 1962

Moment majeur de notre histoire récente, la décolonisation et ses conséquences continuent d’être des éléments qui marquent nos sociétés. Ce phénomène mondial a eu dans notre pays un retentissement particulier. Car la France avait déployé – et parfois dévoyé - sa propre civilisation, pour faire de l’empire colonial un élément de la puissance française. Ce livre intervient dans un contexte particulier. D’abord, depuis une quinzaine d’années, l’historiographie de la guerre d’Algérie et de ses répercussions en Métropole s’est grandement étoffée. Il n’est plus possible de parler de tabous ou pire « d’histoire officielle » sur cette question.

Notre département est au cœur de ces problématiques. Les Rapatriés d’Algérie ont été nombreux à s’y installer. Ils y sont un des groupes dynamiques de la population depuis un peu plus de 45 ans. Les débats houleux qui existent autour de la construction, à Perpignan, d’un Centre de documentation sur la présence française en Algérie, montre que les enjeux restent très forts dans le domaine de la guerre d’Algérie et de ses diverses conséquences.

Pour cette raison, ce livre, fruit d’une initiation à la recherche effectuée dans le cadre du Master Sciences de l’homme et humanités de l’Université de Perpignan Via Domitia, est fort utile. Il est l’œuvre de Philippe Bouba, jeune historien, fils et petit fils de Pied-Noir. Il a choisi de s’intéresser de près à l’année 1962, à l’impact des événements d’Algérie et à l’accueil des Rapatriés dans les Pyrénées-Orientales. Il reconstitue les faits en n’hésitant pas à pointer les contradictions des uns et des autres.

Étudiant de l'Université de Perpignan Via Domitia de 1998 à 2004, Philippe Bouba a obtenu une Maîtrise et un Master Recherche d'histoire contemporaine. Son axe de travail universitaire était les Rapatriés d'Algérie dans les Pyrénées-Orientales. Actuellement, enseignant dans un Institut Thérapeutique, Éducatif et Pédagogique, il continue ses recherches sur la question coloniale.

- Philippe Bouba. L'arrivée des Pieds-Noirs en Roussillon, en 1962. Editions Trabucaire. Préface de Nicolas Marty et d'Eric Savarese. Mai 2009.

- Maison d'édition Llibres del Trabucaire.