Si à l'heure des décolonisations, les intellectuels s'emparent de cette position politique, dans les années 1920, les surréalistes sont isolés lorsqu'ils s'insurgent contre la France coloniale. Dès lors, à l'avantgarde qu'ils incarnent dans le domaine esthétique et poétique, correspond une avant-garde politique caractérisée par la précocité et la radicalité de leur anticolonialisme. Fort de cette contestation, « la plus fondée du monde » selon André Breton, le mouvement surréaliste appartient pleinement à l'histoire de ceux qui refusèrent l'impérialisme.
Alors que le surréalisme a fait l'objet de nombreux ouvrages, peu se sont penchés de manière critique sur cette revendication politique. Aujourd'hui, les cultures extra-occidentales sont largement mises à l'honneur tandis que le passé colonial de la France fait l'objet d'un important travail mémoriel. Or, dès les années 1920, les surréalistes s'appropriaient déjà ces questions. L'histoire de leur anticolonialisme, indissociable de leur représentation poétique des non-Occidentaux, éclaire le présent de manière singulière.
- Sophie Leclercq, La rançon du colonialisme – Les surréalistes face aux mythes de la France coloniale (1919-1962), Les presses du réel, 2010.